Description
S'en payer une tranche
S'en payer une tranche
De bon pain, vous l’aurez compris, avec du beurre et un couteau « pour manger avec », comme ils disaient autrefois, en Bretagne. Enfin, nous pouvons reprendre une vie normale… ou presque. Nous l’avons tant attendu. Habituellement, c’est aux premières heures du printemps que l’on sort de notre terrier, mais, cette fois, il a fallu patienter plus longuement pour enfin profiter… de tout.
Ce semi-confinement que nous venons de vivre ne nous a pas empêchés de cuisiner et de savourer les premières fraises et asperges et nous ne passerons pas à côté des cerises, des melons, des abricots, des pêches et, dans quelques semaines, des mirabelles. Ça augure de délicieux clafoutis et de succulentes tartes.
Mais ce que nous attendions tous avec impatience, c’est de passer à table… chez les autres. En l’occurrence, chez les chefs de cuisine. Nous avons tant cuisiné pour nous, pour notre famille, pour les amis de passage à l’heure du déjeuner, que nous n’avons qu’une hâte, nous en payer une bonne tranche en nous mettant les pieds sous la table pour apprécier les plats d’un chef, le ballet des serveurs, le tintement des verres, la découpe des fromages, le flambage des crêpes Suzette, le cliquetis des couverts.
Viendra ensuite le temps des congés, la redécouverte de nos paysages estivaux sur la route des vacances et ce plaisir infini de se prélasser, une fois sur place, avec un verre de rosé à la main – ou de blanc, ou de rouge – pour soutenir à notre façon les vignerons gravement touchés par les épisodes de gel au printemps dernier, mais aussi par les confinements et un manque crucial de débouchés pour nombre d’entre eux. Que l’on soit en vacances au Pays basque, dans le Lot, en Lozère ou dans la Manche, il ne faudra pas non plus oublier les producteurs, les éleveurs, les maraîchers. Ils n’ont jamais cessé de travailler pour nous nourrir, pour que nous puissions, malgré tout, nous en payer une bonne tranche. À nous de les remercier pour leur dévouement en leur rendant visite et en achetant en direct leurs productions. La petite marge dégagée grâce à nos achats sera dans leur porte-monnaie et non dans les poches d’un intermédiaire.
Après l’insouciance des vacances, il faudra penser à la rentrée, mais n’en parlons pas maintenant. Nous avons bien trop d’envies à réaliser avant de regagner nos pénates. En premier lieu, cuire des sardines au barbecue à écraser ensuite sur une tranche de pain de campagne – fait maison, grâce à la recette de Delphine page 121 – grillée et beurrée, préparer des confitures, des smoothies, des gaspachos avec les fruits et légumes de saison, tire-bouchonner avec les voisins ou les copains, avaler une glace, souffler sur les braises et s’offrir un restaurant.
En résumé, il est grand temps de s’en payer une bonne tranche parce que nous l’avons tous bien mérité.
Philippe Toinard, rédacteur chef de 180°C