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J'ai un ticket avec ma caissière
L'édito de 180°C #19
J'ai un ticket avec ma caissière
L'édito de 180°C #19J’ai un ticket avec ma caissière, mais un ticket encombrant. Pour pallier la fraude fiscale, l’article 88 de la loi de finances pour 2016 a instauré, à compter du 1er janvier 2018, une obligation pour les entreprises assujetties à la TVA de s’équiper d’un logiciel ou d’un système de caisse informatisé sécurisé. Si la mesure paraît lucrative pour le ministère de l’Économie et des Finances, elle l’est moins pour l’environnement : on estime qu’une boulangerie édite en moyenne par an 5,7 kilomètres de tickets de caisse, un tabac 29,2 kilomètres et, enfin, un hypermarché 848 kilomètres soit la distance qui sépare Strasbourg de Rennes… à quelques tickets de caisse près.
Face à ces montagnes de tickets dont la durée de vie n’est que d’une poignée de secondes, l’Assemblée nationale a enregistré le 7 novembre 2018 une proposition de loi portée par la députée Patricia Mirallès et soutenue par 36 de ses confrères « visant à interdire l’impression et la distribution systématique des tickets de caisse dans les surfaces de vente ». Sur le papier – garanti sans bisphenol A –, la proposition est intéressante, mais une fois encore sa mise en application est poussive puisque l’idée est de ne supprimer les tickets de caisse que progressivement : à partir du 1er février 2020 pour des achats inférieurs à 10 euros, à partir du 1er janvier 2021 pour ceux de moins de 20 euros et du 1er janvier 2022 pour ceux de moins de 30 euros. Pourquoi cette lenteur ? Pourquoi ce manque d’audace ? Pourquoi une mise en application aussi timorée ? Il y a urgence environnementale sur tous les fronts, mais, à nouveau, les députés sont incapables de taper du poing sur la table, d’imposer immédiatement une idée forte préférant l’étaler dans le temps en jouant sur des sommes sorties de nulle part. Pourquoi 10 euros et pas 15 ? Pourquoi 20 euros et pas 25 ?
Comme souvent, ces députés sont en décalage avec le terrain. Bien avant le 7 novembre 2018, de nombreux commerçants et enseignes avaient décidé de bannir les tickets de caisse laissant à chacun de leurs clients le choix de ne pas l’éditer ou de le recevoir par email.
Reste une vraie problématique que le texte de loi ne semble pas prévoir. Quid des tickets promotionnels édités dans la foulée du ticket de caisse ?
À titre d’exemple, le 8 novembre 2019 à 18 heures 24, pour une trentaine d’euros d’achats dans une grande surface parisienne, 7 tickets ont été imprimés et remis au client en plus de son ticket de caisse classique. 7 tickets appelés aussi « bon d’achat », « bon de réduction » et même une « offre » permettant de jouer au Loto® et de se voir offrir une grille. Mis bout à bout, ces 7 tickets représentent 127,50 centimètres ou, si vous préférez, 1 mètre 27. Madame la députée, on légifère ou on laisse faire ?
Philippe Toinard, rédacteur chef de 180°C.