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« Moins mais mieux. »
L'édito de 180°C #12
« Moins mais mieux. »
L'édito de 180°C #12En France, dans les années 1970, nombreux étaient ceux qui prédisaient que, en l’an 2000, nous nous nourririons de gélules et de poudres et que les plaisirs du produit, de la table et du goût auraient disparu. Ces prédictions se sont avérées, fort heureusement, totalement fausses. Entre ces deux périodes, le chaos avec l’arrivée en masse dans les foyers de nouveaux appareils électroménagers puis des premiers produits prêts à l’emploi et des surgelés. Nous surconsommons sans trop nous poser de questions sur l’état de la planète, ses ressources et, surtout, sans penser à demain. Quant au bio, il ne représente pas grand-chose. Il faut même attendre 1985 pour que l’agriculture alternative « n’utilisant pas de produits chimiques, ni de pesticides de synthèse » soit officiellement baptisée « agriculture biologique ».
En 2018, nous sommes de plus en plus nombreux à être devenus raisonnables, on trie, on réduit les déchets, on privilégie les produits bio, les circuits courts, on composte, on apprend à décrypter les étiquettes des produits manufacturés, on éduque et parfois on boycotte ou on essaie de se faire entendre auprès des mastodontes de l’industrie alimentaire pour leur montrer qu’ils ne peuvent plus faire ce qu’ils veulent sur notre dos et à notre porte-monnaie. Seulement, nous allons devoir, une fois encore, changer nos habitudes et consommer différemment… moins mais mieux. Moins de viande, moins de produits manufacturés, moins de conservateurs, moins de produits phytosanitaires, moins de denrées avec des bilans carbone catastrophiques, mais plus de légumineuses, plus de produits naturels, locaux et de saison, plus d’alimentation écoresponsable et plus de bio.
Cet objectif du « moins mais mieux » n’est pas l’apanage d’une jeune génération. Bien avant elle, de nombreux producteurs, vignerons, agriculteurs, chefs ont été des pionniers. Le BSP (bon sens paysan) leur a dicté comment produire moins mais mieux en respectant la terre qui les accueille. C’est le cas du presque retraité Gérard Legruel dans le Cotentin qui après avoir baigné dans le productivisme a changé de philosophie : pour ses agneaux de pré salé, pas de cahier des charges, pas de granulés industriels, pas d’antibiotiques mais de l’herbe et des pointes de salicorne. C’est aussi le cas des Dupont, dans le Cantal, Dominique la bouchère, son frère, Bernard, l’acheteur de bovins et Chantal, leur sœur, la productrice de fromage. Pour eux, il n’y a que l’herbe et le foin qui comptent. Quant à notre homme de goût, le chef Guillaume Monjuré, il a quitté la ville pour la montagne. Sur ce nouveau terrain de jeu, il a décidé de travailler essentiellement les produits locaux. Trois rencontres qui s’ajoutent à celles des onze numéros précédents et rappellent qu’ils sont nombreux à s’engager pour que nous mangions « moins mais mieux ».
Philippe Toinard, rédacteur chef de 180°C.