Description
Moins c'est mieux, mais c'est toujours trop !
L'édito de 12°5 #4
Moins c'est mieux, mais c'est toujours trop !
L'édito de 12°5 #4En décembre 2017, l’association de consommateurs de l’UFC Que choisir dévoilait les résultats de tests réalisés sur 38 grands crus de Bordeaux, millésimés 2014 dans leur grande majorité. L’association a fait rechercher 177 molécules. Au final, ces vins de Bordeaux contenaient toujours des résidus de pesticides, mais trois fois moins qu’en 2013, et seules 3 bouteilles ne présentaient aucune trace.
Très vite, certains confrères se sont réjouis de cette nouvelle et ont appelé à trinquer aux efforts accomplis. À la rédaction, nous n’avons pas sorti le champagne, même bio, et encore moins applaudi à tout rompre. Nous nous sommes contentés de reconnaître que certains vignerons allaient dans le sens de l’histoire. Nous avons aussi eu une pensée – désabusée – pour les autres, les irréductibles, qui maintiennent que l’on ne peut pas faire autrement, qu’ils n’ont pas le choix et qu’ils ne croient pas aux solutions alternatives pour sortir du modèle dans lequel ils sont enfermés.
Au même moment, nous recevions les premiers textes de nos journalistes partis sur le terrain des premiers jours du printemps aux derniers de l’été. Dans leurs besaces, des reportages bio sur Michèle Aubéry du Domaine Gramenon, dans la Drôme ; Xavier Courant du Domaine de l’Oubliée, à Bourgueil ; Delphine et Julien Zernott au Pas de l’Escalette, dans l’Hérault ; Nicolas Joly de La Coulée de Serrant, à Savennières ; la tribu Arena à Patrimonio, en Corse ; Jérôme Binda sur l’île de Tinos en Grèce et Thomas Mousseau, producteur de whisky dans le Berry.
Face à l’entêtement de certains vignerons à refuser de croire qu’une autre viticulture est possible, nous ne pouvons que leur soumettre quelques réflexions des vignerons rencontrés, comme Nicolas Joly, de La Coulée de Serrant, qui constate à la fin des années 1970, après avoir suivi les conseils de la chambre d’agriculture d’utiliser des désherbants, que « la faune changeait, le sol se fissurait et s’éclaircissait. […] qu’il y avait quelque chose de pas net ». Au Domaine Gramenon, Michèle Aubéry souligne que le binage manuel permet de combattre l’herbe pour qu’elle ne fasse pas trop concurrence à la vigne et qu’elle ne devienne pas un foyer d’humidité, donc de maladie.
Et quand il y a maladie, soit on trouve des solutions alternatives, et il y en a, soit on traite de façon intensive. D’un côté, le bon sens paysan, de l’autre la facilité, le refus de changer, de penser à la planète et au bien-être de ceux qui y vivent.
Philippe Toinard, rédacteur chef de 12°5.