Le bon sens :
du bio à la cantoche !

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© 180°C - Photographie Jean-Luc Luyssen

Chef de cuisine centrale en Bretagne, Jean-Jacques Guerrier démontre que la restauration collective peut ouvrir les appétits plutôt que les couper. Ses arguments ? Le bio, le local et le bon sens.

Y a-t-il une fatalité à la médiocrité de l’assiette dans les cantines ? Responsable de la cuisine centrale de Bruz, près de Rennes, Jean-Jacques Guerrier prouve que non. Au quotidien, lui et sa brigade envoient 1 200 repas pour 2 crèches et 3 écoles de la ville. Et pas de la tambouille toute faite en boîte, non, de vrais repas cuisinés sur place, nourris de produits bios en majorité.

Après l’école hôtelière et le bac pro, le chef, 47 ans aujourd’hui, tutoie pendant quelques années les ors d’adresses étoilées, puis change d’univers pour intégrer la société de restauration Eurest et prendre, ensuite, la direction des cuisines d’une clinique rennaise. Lui qui a connu l’exigence des tables gastronomiques ressent un peu de frustration en restauration collective. Peu à peu, il se penche très sérieusement sur le bio et l’agriculture, passe un diplôme des Hautes études des pratiques sociales (DHEPS) qui lui permet d’approfondir des sujets comme la santé, l’éducation à l’alimentation ou la place du cuisinier de collectivité. Sa réputation dépasse les murs de la cuisine de Bruz, où il officie désormais, et où il fait évoluer les pratiques : Jean-Jacques Guerrier est d’ailleurs sollicité par la Fédération nationale d’agriculture biologique (FNAB) et l’Institut de formation de l’environnement (IFORE) pour, avec d’autres chefs et des diététiciens, créer un document référentiel de recettes avec des matières premières bios, locales et moins de protéines animales.

Avant, on servait trop de viande. Sans augmenter le budget d’un centime, désormais, on fait du bio et des repas plus adaptés

Chaque jour, il continue de creuser le sillon de la bonne bouffe dans son fief bruzois. Les arrivages ? Bios à 60 % – l’ambition est de s’approcher des 100 % – sauf la viande et les poissons issus d’une pêche de petits bateaux d’Erquy et de Saint-Quay-Portrieux. Le lait vient d’une exploitation de Noyal-Châtillon-sur-Seiche, à quelques kilomètres de Bruz, le fromage est fabriqué à La Ferme de la Pinais, à Messac, et les légumes sont cultivés par deux producteurs installés à 800 mètres de la cuisine centrale. Difficile de faire plus « locavore ». Le prix du repas a-t-il augmenté ?  » Non. Avant, on servait trop de viande. Sans augmenter le budget d’un centime, désormais, on fait du bio et des repas plus adaptés. »

Le bio, le bon et le locavore sont une réalité dans les cantines de Bruz et d’ailleurs. Pourquoi pas partout ?

Au-delà du coût, du goût, de la question durable et écologique, cette démarche est aussi porteuse d’autres vertus. « Faire du local, par exemple, crée un rapport de proximité très agréable et très enrichissant avec les fournisseurs », explique Jean-Jacques Guerrier, qui remarque aussi des changements dans son équipe de neuf personnes. « Certains de mes collègues étaient un peu sceptiques au départ. Aujourd’hui, ils sont convaincus car, même si la restauration à Bruz était déjà qualitative, ils se sont réappropriés leur métier. » Transformation de produits bruts, confection maison des entrées, plats et desserts, justesse des assaisonnements, recherche d’équilibre gustatif, les cuisiniers ont repris leur rôle central et redonné du sens à leur fonction. Le bio, le bon et le locavore sont une réalité dans les cantines de Bruz et d’ailleurs. Pourquoi pas partout ?  « Il faut mettre un coup d’accélérateur sur la formation des professionnels du goût et de l’éducation, des parents et des élus, et que les politiques incitent les agriculteurs à se convertir au bio », conclut Jean-Jacques Guerrier. Il œuvre en ce sens au sein du collectif Les Pieds dans le plat, réseau national de cuisiniers et diététiciens engagés pour la nutrition biologique en restauration collective.

Texte de Pierrick Jégu & Photographie de Jean-Luc Luyssen pour @ 180°C



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