Chef exécutif du restaurant étoilé Les Pêcheurs, au Cap d’Antibes Beach Hôtel, Nicolas Rondelli est un enfant du pays, qui a fait du terroir méditerranéen son terrain de jeu. Fort d’une expérience acquise auprès des plus grands (Alain Llorca au Negresco, Jacques Chibois à la Bastide Saint-Antoine ou encore Olivier Brulard à la Réserve de Beaulieu pour ne citer qu’eux), ce chef dynamique a su tirer parti de ces rencontres pour élaborer une cuisine d’auteur, authentique et raffinée, essentiellement basée sur des produits locaux. Rencontre avec un chef pour qui la Méditerranée n’a (presque) plus de secrets.
180°C : Bonjour Nicolas, pouvez-vous nous raconter comment vous est venue l’envie de devenir chef ?
Nicolas Rondelli : Au risque de ne pas être très original, je pense que j’ai toujours eu la cuisine dans le sang. Enfant, c’était surtout mes grands -mères qui cuisinaient, des plats traditionnels niçois. Je me souviens de nombreux repas de famille avec la daube qui mijotait, les gnocchis faits maison, la pissaladière sur la table… Nous étions tous rassemblés autour des grands-mères, à attendre qu’elles donnent le top départ pour manger. Je me rendais compte que la cuisine fédérait la famille, et cette atmosphère m’a toujours plu. Donc l’envie, je l’ai eue depuis tout gamin.
180°C : Vous avez eu un parcours marqué par la rencontre avec de grands chefs emblématiques de la cuisine méditerranéenne, comme Alain Llorca, quels enseignements en avez-vous tiré ?
N.R : Effectivement, comme je suis niçois d’origine et que j’ai habité vingt-cinq ans à Nice, l’hôtel Negresco est la première maison que j’ai voulu faire. C’était pour moi un monument, jamais je ne pensais pouvoir y rentrer un jour, et finalement si : par la petite porte de la cuisine (rires). Je me souviens qu’au moment de m’embaucher, le chef Llorca m’a convoqué dans son bureau pour m’annoncer que j’allais commencer par la Rotonde, le restaurant brasserie. Or, je voulais absolument être au Chanteclerc, à l’étoilé. Il m’a alors dit cette phrase :
un cuisinier, ça doit savoir tout faire : donc tu commences par la Rotonde, on va te dégrossir un petit peu, et ensuite, on avisera.
Maintenant que je suis moi-même chef exécutif d’un établissement qui possède un étoilé et un restaurant de plage, je sais qu’il avait raison : il est crucial en tant que chef de savoir tout faire, du bistronomique au gastronomique…
Mais, à vrai dire, chacun des chefs avec qui j’ai eu la chance de travailler m’a inspiré : Olivier Brulard, qui est Meilleur Ouvrier de France, M. Chauveau et M. Chibois, qui ont une cuisine plus classique, à l’ancienne, et qui m’ont permis d’acquérir d’autres bases… Tous m’ont imprégné à leur façon.
180°C : Comment qualifieriez-vous votre cuisine ?
N.R : C’est une cuisine méditerranéenne, non seulement parce que c’est mon terroir, c’est là que je suis né, mais aussi parce que j’ai appris avec de grands chefs qui ont fait leur gamme sur la Côte d’Azur. Après, j’adore la cuisine asiatique, donc j‘aime aussi faire quelques clins d’œil à cette gastronomie-là, à travers des assaisonnements, des marinades, des modes de cuisson. Mais sinon c’est essentiellement une cuisine méditerranéenne, et de saison.
180°C : Vous travaillez beaucoup avec des producteurs locaux, comment faites-vous votre travail de sourcing ?
N.R: Il y en a certains qui sont l’évidence même, comme Tony, le petit pêcheur qui a son banc devant l’hôtel, à une trentaine de mètres de la porte. Et il y en a d’autres que nous sommes allés chercher. Les rencontres se font naturellement : parfois c’est un maraîcher qui connait quelqu’un qui fait du miel… d’autres fois, c’est tout simplement un panneau « légumes locaux » que l’on voit sur le bord de la route, alors on s’arrête, et on regarde. Mais cela résulte d’une vraie volonté de mettre en avant les producteurs et leurs produits. Nous, les cuisiniers, sans ces produits-là, on ne fait rien.
Prenez le meilleur cuisinier du monde, avec un produit bas de gamme il ne fera jamais de miracles.
La base de tout, c’est la qualité du produit, et ce sont ces gens-là qui les cultivent ou qui vont les chercher, donc nous avons absolument besoin d’eux.
180°C : Avez-vous découvert des produits d’exceptions dans la région, que vous avez particulièrement plaisir à travailler ?
N.R : Tout dépend ce que vous entendez par « produit d’exception ». Quand on a ne serait-ce qu’une sardine, ou un loup, qui sort à peine de l’eau parce que le pêcheur est en train de démailler le poisson encore dans le filet quand vous arrivez, là, on a un produit exceptionnel. Ce poisson-là sera d’une fraicheur inégalable : même dans de grands palaces parisiens, quand ils reçoivent le poisson, il a au moins deux jours de glace. Alors que là, il n’a pas touché un frigo, il est parfois même encore vivant !
180°C : Comment travaillez-vous la double carte des restaurants de l’hotel à Antibes, à la fois pour Les Pêcheurs et Le Cap, le restaurant de plage ?
N.R: Sur le gastronomique, le choix est beaucoup plus restreint que sur le restaurant de plage, c’est une façon de travailler différente. Nous avons les mêmes gammes de produits sur les deux cartes, mais nous les travaillons différemment : au Cap nous avons beaucoup de grillades, de marinades, du ceviche, ce genre de chose…c’est une cuisine plus légère. Au gastronomique, je travaille une cuisine d’auteur, nous essayons d’avoir une identité qui nous est propre. Nous revisitons des plats qui peuvent certes être des classiques, mais que l’on va réinterpréter… La philosophie de cuisine n’est pas la même sur l’étoilé.
180°C : Avez-vous un exemple de plat que vous aimez particulièrement revisiter? Un plat signature peut-être ?
N.R : Ah, c’est très difficile de vous donner un seul plat pour résumer ma cuisine, car pour chacun j’essaye qu’il y ait une histoire, une philosophie, j’y mets mon âme.
Par exemple, en ce moment, à la carte nous faisons un stockfish : c’est un plat traditionnel niçois fait habituellement avec de l’églefin, mais nous le revisitons avec des rougets de roche de chez Tony. C’est donc un plat rustique et traditionnel de la cuisine niçoise, que j’essaie de réinterpréter à ma façon, en l’anoblissant, et en le travaillant avec un produit différent de ce que l’on peut connaître habituellement. Cela décrit bien ma philosophie je pense, c’est assez représentatif de la façon dont j’essaie de travailler aux Pêcheurs.
180°C : Quels sont vos projets à venir ? Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?
N.R : Ce que l’on peut nous souhaiter, c’est que le meilleur reste à venir ! Il y a trois ans, on ne pouvait pas s’attendre à ce qui nous est tombé dessus, et on s’en est sortis plus qu’honorablement, donc il faut maintenant espérer que le meilleur soit devant nous… Bon, et si on pouvait décrocher une deuxième étoile, ce serait magique (rires) !