Marseille, fermes connection

Grâce à l’urbaniste Marion Schnorf, Marseille a sa Cité de l’Agriculture. D’ici quelques mois, cette structure dédiée à l’agriculture urbaine aura son pied-à-terre dans un local en cours de rénovation, au rez-de-chaussée d’un vieil immeuble du boulevard National. Sous les gravats, bientôt les feuillages !

Marion, c’est quoi, cette Cité de l’Agriculture ?
« C’est une structure qui a pour but de mener à la fois une réflexion, des expérimentations et des actions autour de l’agriculture urbaine à Marseille. L’enjeu, c’est de participer pleinement à la transition agroécologique en montrant qu’une alimentation durable est possible, notamment en ville. »

Ça se concrétise comment ?
« J’aide les personnes qui ont une idée un peu folle autour de l’agriculture urbaine ou de l’alimentation à mener leur projet à bien. Je les oriente par exemple vers des formations à la permaculture, à l’apiculture bio ou encore aux potagers collectifs. J’interviens aussi à l’école d’architecture de Marseille. Avec Bastien, mon associé, nous organisons également toutes sortes de manifestations : « Fermes d’Avenir Tour » à Marseille, conférence sur les agricultures urbaines en Méditerranée, road trips dans des fermes pilotes… Enfin, nous essayons de donner plus de visibilité et donc d’impact aux initiatives travaillant sur ces thématiques. J’en ai identifié quatre cents. »

Y a-t-il un volet d’aide aux agriculteurs ?
« Nous faisons de l’accompagnement, notamment pour les recherches foncières :

500 mètres carrés peuvent suffire pour créer une ferme urbaine, mais encore faut-il les trouver !

Nous avons recruté une salariée qui recense, depuis plusieurs mois, tous les espaces disponibles et susceptibles d’être investis en agriculture urbaine. À Marseille, il y a beaucoup de friches et de toitures plates, ainsi qu’un bel ensoleillement : c’est une chance. »

Tu as récemment acheté ce loft. Quel est son rôle dans la Cité ?
« Fédérer et partager. Là, on est en travaux avec, au programme, l’aménagement de plusieurs espaces : une bibliothèque en accès libre, des zones d’expérimentation d’agriculture indoor, un coin potager d’herbes aromatiques, une cuisine et un restaurant, une scène amovible, des bureaux. Ces outils seront mis à la disposition des porteurs de projets locaux : paysans, cuisiniers, responsables de jardins partagés… Bref, c’est un lieu polyvalent, installé dans un secteur qui est en train de devenir le quartier vert de Marseille. »

En quoi le restaurant sera-t-il différent de n’importe quel restaurant branché écologie ?
« Son concept, c’est une cuisine circulaire, adaptée aux contraintes de l’hypercentre de Marseille : on produira, on préparera et on compostera les déchets sur place dans une optique de circuit ultra court. Le compost servira de fertilisant pour les cultures. Pour l’approvisionnement, nous voulons installer sur un toit marseillais une serre écologique, conçue comme une unité d’expérimentation autour des systèmes hydrologiques écologiques, notamment le « dutch pot ». En attendant que l’étude de faisabilité soit terminée, nous avons lancé les plantations à Tarascon. »

Qu’est-ce qui t’a poussée à créer cette Cité de l’Agriculture ?
« Je suis issue du milieu agricole, mais j’ai grandi avec l’idée que l’agriculture, c’est difficile, compliqué, prenant. Je ne pensais pas travailler dans ce secteur. J’ai fait des études en urbanisme et je suis partie à l’étranger. Quand je suis rentrée en France, j’ai compris rapidement que je n’avais pas le profil pour être salariée en collectivité. Alors que je cherchais une porte de sortie, je me suis mise à rêver :

j’ai imaginé une grande utopie urbaine autour de l’agriculture et de l’environnement, qui permettrait de décloisonner la ville et le monde rural, de reconnecter les producteurs et les consommateurs.

Je rêvais, mais j’ai quand même fait des calculs et des rencontres. Et là, surprise : sans même exister, le projet intéressait beaucoup de monde. J’ai donc sauté le pas. »

Cette utopie urbaine, ce n’est pas un truc de riches ?
« Non ! Je veux à tout prix éviter l’entre-soi : le lieu est installé sur une grande artère et ouvert sur la rue. On est super contents quand des gens du quartier poussent la porte et viennent discuter au milieu du chantier. Au restaurant, on servira une cuisine bonne et saine mais abordable. Notre objectif, c’est d’auto-financer le projet, pas de faire des grosses marges. Nous sommes par ailleurs aidés par des financements privés – fonds de mécénat, entreprises, particuliers – et, plus tard, nous nous pencherons peut-être sur les aides publiques. Et puis je refuse tout discours élitiste et moralisant, élaboré autour d’un gourou décrétant ce qu’il faut faire ou ne pas faire. Mon credo, c’est la sensibilisation par le plaisir ! »

> Pour en savoir plus et suivre l’actu de la cité de l’agriculture : La Cité de l’Agriculture

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