Bienvenue chez Maison Bernachon ! En plein cœur de Lyon et à tout juste quelques encablures du Rhône qui s’étire paisiblement d’un bout-à-l’autre de la ville, nous avons pu pénétrer les secrets de l’un des plus anciens fleurons de la chocolaterie française fondé par Maurice Bernachon en 1953. Gardiens d’un précieux savoir-faire demeuré inchangé depuis, Philippe Bernachon et ses sœurs Candice et Stéphanie veillent au grain tandis que ce début de printemps annonce le retour imminent des cloches de Pâques…
Passé le pas de la porte qui depuis la boutique s’ouvre sur les entrailles des différents labos, pâtisserie, cuisine et autres ateliers de confection, d’enrobage, d’emballage… on se dit que le célèbre héros de Roald Dahl, Willy Wonka, n’a qu’à bien se tenir ! Partout, de petites mains qui s’agitent en tous sens, une effervescence, un surcroît d’activité en partie dû au premier temps fort de l’année, Pâques.
Bien évidemment la cadence est particulièrement soutenue en chocolaterie où le maître des lieux nous invite à le suivre. Avec sa stature de colosse, il est étonnant de le voir se frayer avec autant d’aisance un chemin entre les plans de travails et les équipes qui s’affairent autour, s’enquérir ici de l’avancement de la sauce pour les quenelles, goûter là l’un de ces palets d’or – bonbon chocolat emblématique de la maison – qui s’affinent patiemment en chambre de stockage, toujours avoir un petit mot pour chacun de ces visages, nombreux, qui sont eux aussi les artisans de l’aventure Bernachon. C’est une évidence, le capitaine diffuse naturellement sa bonhommie et sa bonne humeur au sein de ses équipes.
Tout au fond, on perçoit le vrombissement des machines qui transforment l’or noir, nous sommes sur la bonne voie. Une porte à double-battant s’ouvre et Philippe Bernachon s’engage alors entre ces imposantes demoiselles d’acier qui ont presque son âge.
Au bruit assourdissant des machines se mêlent les effluves enivrantes de cacao, de sucre et de vanille.
Au fond de cette vaste pièce, entre d’un côté les sacs de fèves fraîchement arrivées, le sucre et le beurre de cacao; la pièce maîtresse : le torréfacteur. Parce que chez les Bernachon, le métier de chocolatier c’est de la fève à la tablette, ce que certains appellent aussi le « bean to barr ».
En effet, lorsque le grand-père, Maurice, fonde la maison il y a bientôt 70 ans, il a la conviction que dans peu de temps, tout le monde proposera le même chocolat, acheté au même endroit. Visionnaire et ambitieux, Maurice Bernachon veut lui pouvoir réaliser « son » propre chocolat, alors il s’équipe avec les machines nécessaires, s’approvisionne en fèves et n’aura de cesse de peaufiner son savoir-faire pour mettre au point une recette dont la base repose sur le savant mélange de 10 cacaos différents. Une exception quand on sait que la plupart des chocolatiers travaillent sur des mono-crus. Cette recette, originale, restée inchangée depuis, c’est l’un des ingrédients du succès de la maison Bernachon, un chocolat signature qui ravit les becs sucrés bien-au-delà de nos frontières hexagonales et n’a rien à envier à ceux de nos proches voisins.
Après son père, c’est donc Philippe qui a repris le flambeau et perpétue aujourd’hui ce savoir-faire traditionnel, épaulé notamment par son chef chocolatier, Pascal, figure historique de la maison qui a travaillé sous l’égide du père et du grand-père. À le voir ainsi charrier les seaux de fèves, de sucre, virevolter entre les machines, passant sans cesse de l’une à l’autre pour surveiller les différentes étapes de fabrication, on réalise combien le métier est rude.
De la passion, il en faut tout autant que de la patience pour faire naître un grand chocolat, sachant que de la torréfaction à la mise au repos, durant lequel le chocolat s’affine, il faudra compter environ trois mois.
Philippe Bernachon s’approche justement du torréfacteur et à l’aide du piluliers en extrait quelques féves brûlantes qu’il place au creux de sa main pour les humer.
Lentement torréfiées à 130°C, il ne faut pas les laisser trop longtemps, sous peine de les griller – comme on le ferait pour le café – ce qui laisserait par le suite ce goût de grillé transpirer dans le chocolat. Tout est affaire de précision, le cacao est une matière brute extrêmement délicate qu’il faut savoir manipuler, transformer avec soin pour en restituer toute les subtiles arômes, la typicité. Avant de rejoindre le toréfacteur, ces fèves de cacao, arrivées par sacs du Brésil, de Jamaïque, du Vénézuela, de Colombie, du Pérou et d’Équateur entre autres, auront d’abord été soigneusement triées pour en éliminer les débris, feuilles, bouts de bois et nombreux cailloux susceptibles d’abîmer les machines. C’est Mohamed qui se charge de cette tâche préparative. Puis il effectue un deuxième tri, nécéssaire celui-ci pour éliminer les fèves sèches, les grains de maïs et autres grains de café qui voudraient venir jouer les trouble-fêtes.
C’est ensuite que les fèves rejoignent le torréfacteur dont elles finiront par rejaillir pour être brassées et ventilées à l’air frais afin de stopper net la torréfaction. Les candidates passent alors l’épreuve du tarare qui consiste à extraire la pellicule tout en les concassant pour obtenir le fameux grué de cacao. On mélange ce dernier avec le beurre de cacao, la vanille et un sucre dont la granulométrie proche de celle du grué, rappelle celle du gros sel. Le mélange obtenu est alors broyé et affiné en plusieurs étapes dans les broyeurs à meules.
Enfin, ultime étape de la transformation, celle du conchage durant laquelle on brasse le chocolat à une température bien précise de manière à en obtenir le croquant, le brillant et le fondant désirés.
40 heures seront alors nécéssaires, au terme desquelles on sort le chocolat en gros pains de couverture qu’on laissera ensuite maturer en chambre froide, « un peu comme du vin » comme le concède Philippe qui n’hésite jamais à tracer des passerelles entre son métier et celui de vigneron.
En immersion totale dans cet espace et quelque peu suspendus dans le temps qui a malgré tout continuer de tourner, celui-ci nous a cruellement manqué au moment de vouloir frayer avec les équipes en pâtisserie et en cuisine. Ce n’est que partie remise. Car là aussi, il y a de belles choses à voir, là aussi, la maison Bernachon a su perpétuer un héritage dont les trois principaux ingrédients sont exigence, passion et tradition.
C’est certain nous reviendrons !
Bernachon
42 Cours Franklin Roosevelt
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