Domäne Vincendeau
Liv Vincendeau
La petite histoire : de passage dans la région pour un joli programme musical (Roméo et Juliette de S. Prokofiev), je profite d’une après-midi sans répétition pour passer au domaine, sans prévenir. La petite cour est déserte, je laisse un message et fin de l’histoire. Deux jours plus tard, à l’occasion d’une autre après-midi sans répétition, je repasse au domaine où, coup de chance, j’aperçois une très jolie petite fille jouant dans la cour. Je suis reçu et accueilli par Julien Vincendeau, informaticien Big Data de son état avec qui je papote un moment, puis déguste les productions de la maison. Une heure plus tard, Liv Vincendeau arrive dans sa voiture électrique. Nous échangeons une bonne heure et l’idée d’un reportage prend corps, il sera donc le fruit de la plus grande spontanéité. Après avoir déjeuné, je retrouve Liv dans sa petite cour écrasée par le soleil magnifique de ce samedi 15 juillet.
Le déjeuner…
Comme indiqué à l’instant, je déjeune, sur les conseils de Liv, au restaurant guinguette « Port Gogagne » à Rochefort sur Loire. Superbe petit endroit placé tout près d’un des bras de la Loire où s’ébattent les enfants : i-dy-lique ! Je m’installe en plein air et commande… un couscous puisqu’il est proposé en plat du jour. Superbe assiette, ragout de légumes bien épicé, mergez succulente, service sympa, addition très douce : il me tarde de revenir sur zone le plus vite possible pour réitérer ! Mais terminé le farniente, on m’attend !
Liv Vincendeau
Liv Vincendeau est bien Allemande, en dépit de son prénom scandinave… Titulaire d’un DEA en chimie supramoléculaire, elle a aussi passé un BPREA (Brevet Professionnel de Responsable d’Exploitation Agricole), suivi un autre cursus en école de commerce puis fait ses armes dans quelques grandes maisons en Alsace (Domaine Schmitt), chez Langlois-Château à Saumur, à Saint-Lambert-du-Lattay, chez les Rousseau et Jo Pithon. De la chimie jusqu’au vin il n’y a qu’un pas direz-vous… Ce n’est pas inexact et Liv, la première, assume et revendique cette formation scientifique : « On ne se pose pas la question des équations de chimie, et ça éclaire sur les processus en jeu, autant à la vigne qu’à la cave ». Une tête bien pleine et bien faite, voilà le sentiment avec lequel on reste après avoir passé un moment avec cette mère de famille alerte et aussi vivace que ses rangs de vignes. En vérité, après le DEA de chimie, on lui propose un Doctorat en Chimie Physique qui l’aurait menée tout droit en recherche fondamentale. Mais c’est le vin qui prend le dessus. Pourquoi ? Parce que c’était elle, parce que c’était lui… Lors de son Erasmus en Alsace, Liv goûte et découvre l’univers quasi infini des vins « de l’Est » et au détour d’une ballade dans le Jura, une conversation impromptue avec un connaisseur rencontré en chemin fera le reste, suivront le BPREA et tous les stages et emplois cités plus haut.
Le Domaine
C’est en 2014 que Liv prend possession du Domaine situé en AOC Layon, un peu trop grand à son goût mais qui a trois avantages : bénéficier d’une belle unité foncière, être magnifique, avec une vue plongeante sur la Loire, une autre sur la Roche au Moine et, enfin, d’être entouré de bois et de prairies. Cette situation assez unique, bien protégée, ira d’ailleurs dans le sens de la première décision de Liv : la conversion en Bio qui pourra donc être indiquée sur le millésime 2017 fort heureusement épargné par le gel du printemps dernier qui a martyrisé Savenières, si proche à vol d’oiseau et visible là, juste en face. « La conversion en bio, c’était naturel. Mais pour moi bio, ce n’est pas le chaos : je traite, je taille, je palisse… Un domaine, c’est une entreprise qui doit assurer sa pérennité. Il faudrait d’ailleurs inventer un statut pour les vignerons en conversion. On n’est plus en conventionnel, mais on n’est pas certifiés, c’est compliqué pour le consommateur et inconfortable pour le vigneron, il faudrait trouver quelque chose ». La superficie totale est de 7 ha, mais seuls 3,5 ha sont plantés, une manière de favoriser la biodiversité. Mais des plantations sont au programme. En effet, chez Langlois-Château, Liv a tout appris sur la bulle et on peut dire qu’elle a été à bonne école. « Je rêve de faire un joli crémant rosé ». Et nous, qu’elle le fasse le plus vite possible, pourquoi pas avec ces 50 ares de Grolleau tout jeune dans lesquels nous passons, sous un soleil de plomb.
Les cuvées
Un blanc, un rosé, deux crémants et un jus de raisin, sont les productions de la maison. Mais il ne faut pas voir dans cette apparente étroitesse de la gamme une quelconque petitesse de savoir-faire. Ici, les vins sont ciblés, pensés, élaborés, conçus avec un soin d’horloger. Et s’il n’y a pas de rouge, c’est que le domaine est très majoritairement planté en Chenin.
La dégustation
Tout à fait passionnante ! L’élégance et la finesse définissent les cuvées de la maison, toutes démonstratives du savoir-faire et de la maturité d’une vigneronne à suivre de près. On retrouve dans chacune d’entre elles et presque à chaque fois un nez assez typique du terroir Layon alors que la dégustation laisse la place à la minéralité et une fine tension comme seuls les chenins bien élevés savent produire. Le crémant « Gold » est un petit bijou de fraîcheur qui disparaît à une allure affolante, le rosé, légèrement tramé pousse à débauche. Quant au blanc « Raguenet » avec son nez somptueux et sa tension raffinée, autant ne pas le goûter : on évitera ainsi les excès.
Contact
Domäne Vincendeau. L’Enclos. Route du port Godard.
Les Lombardières 49190 Rochefort sur Loire
Tel : 02 41 57 21 15
http://www.domaenevincendeau.com/
Restaurant Guinguette
Chemin du vieux port, 49190 Rochefort-sur-Loire
Le questionnaire de moût…
(de Liv Vincendeau, sommelier, caviste du domaine)
Le jour où vous avez décidé de faire ce métier ?
– Je ne parlerai pas d’un jour mais plutôt d’une maturation progressive pendant laquelle, peu à peu, mon projet a pris forme.
Votre premier souvenir professionnel ?
– C’est un peu vague… Peut-être le chai chez Anne Marie Schmitt : toutes les cuves en inox étincelaient…
Votre première joie professionnelle ?
– Avoir réussi mon Crémant.
Qu’est-ce que c’est votre métier ?
– C’est en faire cinq à la fois et être compétent dans chacun. Mes cinq métiers sont : la vigne, la cave, le commerce, la gestion et l’administration.
Qui vous a le plus appris ?
– Peut-être Anne Marie Schmitt, en Alsace. Mais j’ai appris de toux ceux que j’ai croisé.
Votre plus belle réussite ?
– Mon Crémant, même s’il n’est pas encore parfait. Mon blanc avec lequel je laisse s’exprimer toute la force de mon terroir : sa finesse.
Votre plus belle foirade ?
– Pas vraiment une « foirade » mais une sacrée surprise…Cet hectare de gamay qui j’avais acheté « en production » mais, en réalité, la vigne était épuisée… J’avais récolté 27 kg de raisins ! 27 kg…
Les vraies difficultés du métier ?
– Être au top dans mes cinq métiers. Par le passé : avoir été une femme, allemande et d’une famille non agricole et universitaire.
Et si c’était à refaire ?
– Reposez-moi la question dans dix ans.