Le seigneur des ormeaux

Du nord-ouest du Finistère, ce beau pays dont on dit – pour faire taire les mauvaises langues – qu’il y fait beau plusieurs fois par jour, nous vous avions rapporté cette histoire d’ormeaux qui pourrait presque tenir de la légende… L’histoire d’une rencontre entre un homme et ce gastéropode prosobranche encore trop méconnu des frenchy et pourtant fascinant, à tout point de vue. L’homme s’appelle Sylvain Huchette, patron de France Haliotis, un élevage unique au monde qui propose des ormeaux certifiés Bio, élevés en pleine mer et nourris aux algues fraîches…

Flashback et retour quelques décades en arrière : on est en 1995, Sylvain Huchette s’est exilé en Australie afin d’y poursuivre son cursus d’étudiant en ingénierie agricole. Là-bas, les charmes organoleptiques de l’ormeau ne font plus grand mystère depuis longtemps, les Australiens en sont de fervents consommateurs et producteurs. Piqué par la curiosité, notre jeune étudiant se penche sur le cas de ce mollusque marin :

Pour un scientifique, c’est un animal mystérieux et intriguant.

Le coup de foudre est instantané, Sylvain lui consacrera même sa thèse. Passent alors plus de trois années durant lesquelles il travaille patiemment, passionnément, à lever tous les mystères qui entourent encore le timide gastéropode.
Puis c’est le retour en France, avec une idée dans les bagages : se lancer dans l’élevage d’ormeau au pays du bœuf Bourguignon et du cassoulet.
L’ormeau est particulièrement friand de de la dulse rouge, mais se contente aussi bien de toutes les autres variétés d’algue. C’es dans le Finistère nord, au large des Abers que Sylvain va dénicher l’écrin de verdure dont il rêvait pour son compagnon. Qui plus est, l’endroit a été labellisé bio. À 38 ans, avec 500 000 euros, Sylvain monte France Haliotis. Précision d’ordre étymologique : Haliotis est le nom scientifique de l’ormeau, du grec « marin », Halia et oreille pour Otis.

Le seigneur des ormeaux

De l’ormeau sauvage, du naissage à la commercialisation, en passant bien évidemment par un élevage en eaux profondes, voilà la promesse de France Haliotis. Promesse tenue mais non sans mal. Les premières années sont compliquées, le produit est encore très confidentiel, le marché est faible, une tempête anéantit près de 60% de la production et Sylvain Huchette fait face à quelques difficultés quant à la reproduction du pécieux.
Le patron et son équipe ne se démontent pas, bien au contraire, ils essuient la tempête et se retroussent fièrement les manches, parce que France Haliotis, c’est aussi une histoire d’hommes et de femmes unis dans cette aventure un peu folle pour laquelle ils ont dû tout inventer… Pas de petit manuel du parfait ormeaulogue existant, il a donc fallu tester, observer, ajuster, et parfois tout remettre en question. Par exemple, ces cages qui servent d’abri au gastéropode et qu’Iain, l’Écossais mutique, remonte sur le pont de l’Abalone pour en déboulonner patiemment l’ouverture et y jeter, avec l’aide de Xavier, le capitaine du navire, de larges brassées d’algues. Des cages en perpétuelle évolution, sans cesse repensées, améliorées afin d’optimiser la circulation des courants, la résistance aux marées etc.

En moyenne, les ormeaux mettent de 3 à 5 ans pour atteindre une taille honorable, soit entre 4 et 8 cm de diamètre.

Au rez-de-chaussée des bureaux de l’entreprise, dans une pièce sécurisée où il est le seul à pouvoir pénétrer, Sylvain rejoue secrètement le miracle de la vie parmi ces gastéropodes marins dont il est également le également le seul à maîtriser le cycle reproductif : « Je réunis le mêle et la femelle. Puis j’augmente la température de l’eau ce qui provoque un stress chez les ormeaux. L’un évacue des spermatozoïdes, l’autre des ovocytes. La fécondation se produit à ce moment-là… Parfois. » Nous n’en saurons pas plus, secret d’alcôve bien gardé par le patron.

Derrière cette pièce, la nurserie, au sein de laquelle les ormeaux resteront « confinés » toute une année avant de regagner la pleine mer. Soixante millions de larves dont seules un million et demi parviendront à l’état de juvéniles. 10 à 15 kg d’algues seront alors nécessaires pour élever un kg de ces ormeaux qui, une fois parvenus à juste maturité, iront garnir les menus des meilleures tables de la région et autres amateurs de ce met peu ordinaire.

Retrouvez le reportage « La communauté de l’ormeau » que nous avions réalisé pour le N° 2 de la revue 180°C

Le seigneur des ormeaux

Sylvain Huchette – France Haliotis
Lieu dit Kerazan
29880 Plouguernau
Telephone 02 98 37 17 39
Plus d'articles de Olivier Pascuito

Quand la Maison Plisson fête la tomate !

Chez Maison Plisson, « le concept d’alimentation générale dédié au bon sens et...
Read More