Sur les magnifiques terroirs du Rhône Nord, quelques sorciers officient et inventent des quilles dont les saveurs, à force d’être incroyables, finissent par en devenir surnaturelles. Jean Louis Chave fait partie de cette élite et les initiés le connaissent déjà. Pour les heureux profanes qui découvriront son univers, l’homme est un vigneron sans papier puisqu’il n’affiche pas les certifications bios ou biodynamiques sur ses bouteilles. Pourquoi ? Pourquoi se prévaloir d’une pratique qui tombe sous le sens, appliquée depuis des lustres, bien avant que la mode ne s’en empare ?
Les vins naturels ; une question complexe
Alors que les magnifiques assiettes du chef Alain Solivérès (toujours très soucieux de la saisonnalité) se succèdent, les conversations s’orientent sur la viticulture bio puis sur les vins naturels… « Des vins imbuvables qui pétillent », « Des blancs troubles hors de prix pour les bobos », etc. etc. Jusqu’à un certain point, on peut être d’accord… C’est pourtant Jean Louis Chave, lui l’auteur de vins aussi originaux que maitrisés qui prend la défense et endosse le rôle du modérateur… « Il faut comprendre, c’est un sujet complexe… Oui, il faut comprendre, au-delà des maladresses, le sens de ces démarches en quête de sens justement »… Fautes d’arguments, les convives reviennent aux mets et aux vins proprement stupéfiants…
Les deux époques des Hermitage rouges
Le temps sculpte les vins de Syrah du Rhône Nord granitique en figures cousines et éloignées… Jeunes, ils sont superbes et croquants puis, âgés deviennent aussi capiteux que les œuvres tardives de Johannes Brahms : on les mange plus qu’on ne les boit. Lors du repas, ils étaient censés accompagner des plats à base de truffe noire… Mais en réalité, ils planaient, bien au-dessus… Deux blancs étaient aussi proposés, blanc dont on sait qu’ils ne représentent qu’une petite partie de l’appellation. L’Hermitage blanc de 2007 était un feu d’artifice au nez d’une invraisemblable complexité, celui de 2001, un univers à lui seul au sein duquel le temps semblait s’être arrêté…
Voyage interstellaire
Le repas s’est achevé, si l’on peut dire, avec un vin de paille de 1996. Par pure malice, Pierre Bérot (Directeur du département vins de la maison Taillevent) avait fait servir un Château Guiraud 1996 juste à côté… ! Si le Sauternes déclinait ses notes de vanille et de miel à l’infini, le vin de paille lui semblait venu tout droit d’une autre galaxie ayant inventé des saveurs non encore répertoriées sur Terre, faites de truffe, de tilleul et de naphte et d’autres élixirs merveilleux…Merci donc à la maison Taillevent pour cet extraordinaire évènement, merci à son chef Alain Solivèrès pour sa cuisine de saison, et grand merci à Jean Louis Chave pour ce voyage interstellaire.