Si d’aventure vous passiez par Montbrison, et que l’idée vous venait d’y chercher un producteur de la précieuse fourme de Montbrison, vous risqueriez d’être déçu. En effet, cette charmante petite commune de la région Auvergne-Rhônes-Alpes, éponyme du fromage, l’est avant tout parce que c’est sur les étals de son marché qu’il se vend. Pour rencontrer les rares artisans qui travaillent ce fromage persillé, il vous faudra tirer jusqu’à Sauvain ou encore le village voisin, Saint-Bonnet-le-Courreau. C’est d’ailleurs là que nous avons rencontré Catherine Griot, fabricante d’une fourme de Montbrison bio.
Avec un grand-père et un père qui étaient eux-mêmes producteurs de fromages et fabriquaient la fourme sous l’appellation « fourme d’Ambre et de Montbrison », on peut dire que chez les Griot, la fourme, c’est avant tout une affaire de famille. Catherine reprend le flambeau à partir de 1983, même si dans un premier temps elle se concentre sur la production de briques du Forez et des rigottes.
Puis en 2004, alors que les impondérables de la vie l’amènent à quitter la maison familiale, Catherine Griot doit repenser sa trajectoire professionnelle et tirer un trait sur l’aventure fromagère dans laquelle elle s’était embarquée. Passent alors 7 années durant lesquelles elle sillonne les routes de France en tant qu’aide-soignante, sans jamais réussir à se défaire de cette impression que sa destinée est ailleurs… En 2011, elle cède à la petite voie intérieure et décide de retourner à ses premières amours, notamment la fourme qu’elle veut désormais fabriquer bio.
Un an plus tard, ses premières fourmes voient le jour, sans appellation, car ce ne sont les premières esquisses d’un fromage qu’elle veut parfaire pour lui donner le goût, la texture, la couleur de celui de son enfance.
Dans sa quête, Catherine n’hésite pas à solliciter les anciens, à leur soumettre ses essais et glaner les infos qui lui permettront de parvenir au résultat voulu. Afin d’obtenir une pâte plus colorée, faut-il s’assurer que les vaches mangent aussi du genêt et du pissenlit ? Comment obtenir une répartition uniforme du bleu qui persille la pâte ? Pourquoi le caillé sort sec un jour et mou le lendemain…? Elle teste, elle ajuste, reprend tout à zéro si nécéssaire, ce pendant 5 mois. Et en novembre 2012, elle se lance et demande l’AOC… Accordée ! Catherine peut désormais être fière d’être la seule à proposer une fourme de Montbrison AOC bio.
L’AOC en poche, il lui faut maintenant trouver le lait, de qualité et en quantité nécéssaire pour assurer la fabrication de ses fromages. C’est son cousin, éleveur à la tête d’un troupeau de 25 vaches, Montbéliardes, Holstein et Vosgiennes, qui fournira dès lors les 600 litres hebdomadaires de lait bio dont elle a besoin entre autres pour ses fourmes. Une fourme dont la fabrication artisanale, bien que contemporaine, ne diffère guère des méthodes des jasseries d’autrefois, si ce n’est pour l’ajout du pénicillium roqueforti, ce champignon microscopique utilisé dans la transformation laitière des fromages à pâte persillée et qui participe à leur bleuissement. Naturellement présent dans la nature et dans les caves d’affinage, il est aujourd’hui – normes oblige – directement versé dans les cuves de lait chauffées à 31° C avec la présure garantie sans OGM.
Alitées 6 jours durant dans des chenaux en épicéa puis piqués à 21 endroits (parfois plus, notamment en hiver lorsque la température idéale de la cave se trouve en deçà des 8-10 °C), comme le lui ont enseigné les anciens et afin de permettre au bleu de se développer, les fourmes prennent alors le chemin de la cave. Pour Catherine, même avec l’expérience, cette phase d’affinage qui dure entre 40 et 60 jours et les processus qui se mettent en place demeurent un mystère. Entre les murs de sa cave la nature, la vie et le temps prennent alors le relais, œuvrant sans contrainte pour offrir un fromage donc chaque pièce sera unique.