Un pari fou que Yohan Hubert a relevé en répondant à l’appel à projets de la ville de Paris dont le but est de re-végétaliser les centres urbains. Ce défi a séduit cet architecte en agriculture au fait du sujet… et du toit ! L’idée est de cultiver hors-sol des produits de qualité sains et économes. Mais comment imaginer qu’un tel objectif soit réalisable quand on sait qu’une plante a besoin de terre et donc de terroir pour s’épanouir et devenir bonne.
Vivre d’amour et d’eau fraîche… Est-ce bien raisonnable ?
Après quinze ans de recherches, Yohan a mis au point un écosystème naturel qui nourrit la plante tout en la protégeant. Elle s’accroche sur des panneaux verticaux tapissés de membranes de chanvre et de laine de mouton vouée au rebut. Un circuit d’eau se fraye un chemin parmi les cultures de 6 variétés de fraisiers, de framboisiers, de cresson danois, de menthes, de bégonias, de chou cavalier et autres pieds de tomates. Cette eau recueillie et recyclée à 100 % est enrichie de micro-organismes issus de déchets de la restauration. Ce « compost » est sélectionné rigoureusement et donnera son caractère aux produits récoltés, comme un terroir le ferait dans la nature. Cette méthode originale a d’ailleurs été brevetée.
Les déchets produits par les micro-organismes (champignons etc…) qui s’installent sur les membranes nourrissent les plantes et deviennent humus. Cet engrais naturel est redistribué selon les besoins des différentes variétés.
Ainsi une fraise n’aura pas le même goût selon son emplacement sur la structure, son exposition et sa maturité.
Ici, pas de problèmes phytosanitaires : la création de cet équilibre ne laisse pas de place aux méchants agents pathogènes car la « maison » abrite déjà les gentils agents arrivés les premiers. Ils occupent bien le terrain et ne sont pas disposés à en céder une parcelle à ces malotrus. En revanche, ce jardin suspendu est soumis aux attaques des ravageurs qui trouvent tout à fait à leur goût ce marché bio à portée de mandibules.
Pour lutter, aucun traitement n’est toléré, même bio, au risque de déstabiliser cette fragile culture. Une protection naturelle est donc choisie en introduisant des espèces indigènes endémiques comme la coccinelle française ou l’Aphidius colemani, sorte de gendarme qui pond dans les pucerons pour les empêcher de nuire sans pour autant les tuer. Ce rôle de régulateur permet à la nature de croitre et coexister tranquillement. Cette démarche alternative au 10ème étage des Galeries Lafayette est une expérience originale très qualitative. Les 21000 plantes accrochées à hauteur d’homme sont pollinisées par les bourdons des deux ruches installées tout près. Il faudra attendre l’année prochaine pour récolter le miel.
Quant aux 450 kg de délicieuses fraises cueillies sur le site, elles ne sont pas proposées à la vente malheureusement, mais sont utilisées par le chef Sylvain Sendra du restaurant l’Itinéraire et sont aussi réduites en jus pour les conventions des bienheureux cadres des Galeries Lafayette.
Cet embellissement de notre cadre de vie n’est pas utopique et permet de produire des récoltes de qualité en envoyant un message positif au citadin inquiet en mal de jardin et d’espoir. On se prête alors à rêver de ronds-points hébergeant des poules-pondeuses et de moutons broutant les allées du Luxembourg !
Galeries Lafayette. 40 bd Haussmann 75009 Paris (ce site ne se visite pas, mais peut-être aperçu depuis la terrasse des Galeries Lafayette ouverte à tous).
Restaurant l’Itinéraire, 5 rue de Pontoise 75005 Paris. Tel : 01 46 33 60 11