Nous rencontrons (votre serviteur et son très indispensable bras droit et gauche, Olivier) Thibault grâce à la précieuse entremise de Justine, qui connaît bien le jeune chef. Il nous accueille le mardi 30 octobre à 10H30 pétantes chez Antoine, le restaurant étoilé dont il conduit les destinées depuis 6 années.
Une formation plus que solide
Thibault Sombardier n’est pas un chef de cuisine autoproclamé ou adoubé par la télé : c’est un professionnel aguerri très bien formé (École hôtelière), passé par des mains aussi diverses et expertes que Marc Meneau, Bernard Constantin, Alain Dutournier et Yannick Alléno… excusez du peu. Ces différentes expériences sont venues donner corps à une vocation qui semble venir de loin et que Thibault, lui-même, ne s’explique pas forcément. Les parents n’étant pas du métier, il faut donc remonter plus loin : l’arrière-grand-père était boucher et dans la boutique fermée depuis longtemps, le petit Thibault prend plaisir à se promener, toucher les couteaux, caresser le billot… Le grand père, lui, excelle dans le jardinage, et cette corne d’abondance végétale semble avoir marqué le jeune élève que l’école ne motive pas beaucoup. À l’âge de 8 ans et alors qu’il visite les cuisines d’un ami du fameux grand-père, c’est le déclic :
Ce chef habillé en blanc, la toque, les odeurs de la cuisine… j’étais enfin chez moi !
L’échec scolaire, ça a du bon.
Après une seconde troisième et un deuxième échec au brevet des collèges, Thibault intègre l’école hôtelière à Oliver, près d’Orléans où la famille réside. « Dès ce moment, j’étais à ma place ! » Puis ce sera un parcours sans faute marqué, donc, par les grands chefs chez qui il se forme : « à chaque fois, je voulais rentrer dans un nouvel univers culinaire, comprendre l’homme et son style, non pas pour piquer des recettes, mais tenter de percer la créativité de ces chefs uniques. C’est Bernard Constantin qui m’a appris toutes les bases, la technique, les indispensables.
Sans bases techniques, la créativité n’est pas possible
Cuisine d’un jeune homme déjà mature.
A 33 ans, chef d’un restaurant étoilé et associé dans une autre maison, le bistrot bellevillois Mensae, Thibault s’est hissé au niveau des plus prometteurs. Sa cuisine fait une très adroite synthèse entre les influences classiques de sa formation et un élan créatif d’une remarquable liberté. Assiettes dépouillées mais très gourmandes, graphiques mais jamais chichiteuses, généreuses tout en étant raffinées, son style ne renie rien du passé technique des anciens, tout en étant moderne par l’économie de moyen dont il use. Sobriété et générosité forment un cocktail qui séduit une clientèle diverse, jeune, familiale, internationale, loin des clichés attendus du cossu 16ème arrondissement où se situe le restaurant.
Continuités …
Continuité donc entre classicisme et modernisme en cuisine, mais aussi, continuité entre salle et cuisine grâce au service discret, efficace et empathique du directeur Martin Grillon et de son chef de rang Nicolas. Continuité, enfin, entre orthodoxie et imagination vinesque avec une superbe carte pensée par le jeune sommelier Fabien Vullion (et les Vinosaures) qui rappelle à tous, s’il était besoin, que la valeur n’attend pas le nombre des années !
♦ Le questionnaire de goût ♦
• L’homme
Le jour où vous avez décidé de faire ce métier ?
– Je ne me souviens pas. Je crois que j’ai toujours voulu faire ce métier.
Votre premier souvenir professionnel ?
– Mon premier jour à l’école hôtelière, passer la veste, mettre le tour de cou… On avait fait des tartes aux pommes. Couper les pommes, faire la pâte… Ces choses simples étaient déjà magiques.
Qu’est-ce que c’est votre métier ?
– Donner du plaisir et en prendre, créer.
Qui vous a le plus appris ?
– Bernard Constantin. J’ai appris de tous les autres mais Bernard m’a montré toutes les bases.
Votre plus belle réussite ?
– Les enfants, bien sûr… Mais aussi de pouvoir trouver le temps et l’énergie de partir au ski avec les potes. Puis tout récemment d’avoir passé la rouge en escalade indoor !
Votre plus belle foirade ?
– Un repas que j’organisais pour une grande marque de café : la cuisine n’était pas équipée… Impossible de faire la mise en place, ça s’est terminé par un menu saucisse-purée !
Ce qui vous plait le plus ?
– Découvrir de nouveaux produits et, plus encore de nouveaux collaborateurs, de nouveaux talents.
Ce qui vous sort par les yeux ?
– Le temps et donc les sacrifices que ce métier demande.
Et si c’était à refaire ?
– Je n’ai pas assez voyagé, j’ai bien aimé avoir pu m’expatrier un moment…
• Sa cuisine
Qu’est-ce qui compte le plus : la technique ou l’inspiration ?
– L’inspiration… Mais sans technique, rien n’est possible…
Qu’est-ce qui compte le plus, la cuisine ou le produit ?
– Le produit d’abord. Pas de cuisine sans produits de qualités.
Qu’est ce qui compte le plus : le désir du client ou celui du chef ?
– Celui du chef. Le plaisir du chef devient ensuite celui du client.
Comment construisez-vous une saveur ?
– Par intuition. J’ai un référentiel dans lequel je pioche… Au fur et à mesure… Les rencontres, la découverte d’un produit.
Comment construisez-vous vos cartes ?
– Au jour le jour, en fonction des saisons et de ce que la nature peut offrir…
Votre recette ou plat rêvé, idéal ?
– La gourmandise… Mes plats sont gourmands, on doit avoir un flash à la première bouchée, y trouver instantanément l’envie d’y revenir. On doit aussi y sentir de l’équilibre…