Charles Coulombeau, maître de sa Maison dans le Parc

Charles Coulombeau Maison dans le parc
Vue sur le parc depuis la salle du restaurant. Et à droite, le chef Charles Coulombeau - © La maison dans le parc

Véritable institution de la région nancéienne, la Maison dans le Parc accueille depuis l’an dernier son nouveau gardien : Charles Coulombeau. Au jeune chef normand revient désormais la tâche ardue de succéder à Françoise Mutel, qui avait porté au firmament des étoilés la table qu’elle avait fondée en 2007. Qu’à cela ne tienne, Charles a plus d’un tour dans sa toque pour relever le défi ! Passé chez Jean Cousseau et chez Michel Guérard, disciple d’Olivier Brulard, expatrié un temps dans le Sussex anglais puis sur le littoral japonais, à moins de 30 ans, le chef n’a pas perdu de temps. Et dans l’assiette, ça se ressent.

Attablé à la Maison dans le Parc, on regarde les écureuils caracoler gaiement dans le vaste jardin arboré sur lequel s’ouvre la terrasse. Un panorama idyllique que l’on ne saurait deviner depuis la rue Sainte-Catherine, où est situé l’établissement, mais qui offre une pause bucolique bien à-propos en ce mois d’octobre nuageux. En feuilletant la carte élaborée par Charles, on ne peut s’empêcher de remarquer les nombreuses influences nippones qui agrémentent les intitulés des plats : marinade au saké, pickles de shiméji, caramel miso, sorbet shiso, etc. Un clin d’œil à la parenthèse japonaise du chef, qui a eu l’effet d’une petite bombe dans sa façon d’aborder la cuisine. « Au Beniya Mukayu, j’ai pu apprendre les bases de la cuisine japonaise traditionnelle. J’ai découvert un sens de la rigueur exceptionnel. Par exemple, la nécessité de peser l’eau au gramme près pour cuire le riz à la perfection », évoque le Chef lorsqu’on lui demande ce qu’il a retenu de ce voyage. « Avec Roxanne (son épouse, ndlr), on a eu l’opportunité de manger dans des restaurants de tempura étoilés. Quand votre asperge a le goût d’un foie-gras poêlé, ça vous oblige forcément à remettre en cause certaines de vos certitudes ! ».

Mais si les réminiscences japonaises sont bien présentes dans les assiettes, pas question pour Charles Coulombeau de parler de cuisine fusion.

 J’applique certaines des techniques qui m’ont été enseignées là-bas, mais on reste sur une cuisine française, twistée d’influences japonaises.

L’omble chevalier, par exemple, sera livré vivant par le pisciculteur avant d’être tué selon la technique traditionnelle de l’ikéjimé, qui permet d’en conserver les saveurs et la tendresse. On le retrouvera dans l’assiette en version terre et mer, associé à un foie-gras de l’élevage des Saturnins, basé dans la Meuse avoisinante. Même constat avec cette omelette roulée à la texture aérienne inspirée des tamagoyakis japonais, truffée pour l’occasion de chair de crabe, accompagnée d’une sauce française bien citronnée, d’œufs de truite et de pois gourmands. Le mariage est d’une insolente subtilité, les jeux de texture parfaits, la technique élaborée.

Charles Coulombeau Maison dans le parc
La maison dans le parc porte très bien son nom ! – © La maison dans le parc

La technique, c’est – en partie – ce qui caractérise la cuisine de Charles Coulombeau. Il faut dire qu’à 29 ans seulement, le Chef affiche un CV qui en ferait pâlir plus d’un. Ses premiers émois culinaires, il les connaît en observant son père cuisiner pour les invités. Sa rigueur, il la gagne au lycée hôtelier de Biarritz, qu’il rejoint un peu au hasard, lorsque vient l’heure de choisir un métier. Sa passion du produit, celle qui se lit dans ses assiettes, c’est au Relais de la Poste de Jean Coussau qu’il la découvre, lorsqu’il faut travailler de belles asperges de Magescq ou un cochon ibérique bien dodu. Après 4 mois passés auprès du chef doublement étoilé, il rejoint la table des Frères Ibarboure pour y faire son apprentissage. Mais c’est deux ans plus tard, dans les cuisines des Prés d’Eugénie, que le sort le gratifie par deux fois. Dans les coulisses du vénérable Relais & Châteaux d’Eugénie-les-Bains, il rencontre non seulement Roxanne, celle qui deviendra son épouse, mais aussi Olivier Brulard, celui qui deviendra son mentor, et qui occupe encore aujourd’hui une place importante dans sa vie. « On continue d’entretenir une relation privilégiée, on échange beaucoup. Mais aujourd’hui, c’est parfois lui qui me pose des questions ! » fanfaronne Charles Coulombeau. Au sein du palace, le rythme n’est pas le même, et avec 4 restaurants, il faut pouvoir tenir la cadence. « Tout était plus intense, on voyait défiler des gros volumes, parfois jusqu’à 20 homards à cuire par jour. C’était aussi éprouvant qu’enrichissant, et ceux qui ont réussi à s’imposer ont tous finit par rejoindre des étoilés », raconte-t-il. En 2016, il rejoint Lameloise à Chagny, et devient à 22 ans le plus jeune chef de partie de l’histoire centenaire du restaurant.

Charles Coulombeau Maison dans le parc
Tandis qu’il s’aguerrissait au prestigieux Relais Châteaux d’Eugénie-les-Bains, Charles rencontre Roxanne, son épouse, qui l’accompagne depuis dans son aventure de chef – – © La maison dans le parc

Il y restera près d’un an, avant de prendre le large direction la Grande Bretagne. « À ce moment-là, Roxanne commençait à avoir besoin d’un bon niveau d’anglais pour évoluer. C’était l’occasion de voir un peu de pays ». Le duo est pris au Gravetye Manor, un hôtel de luxe niché dans la campagne du Sussex de l’Ouest. Ironie du sort après avoir écumé les plus belles tables de France, c’est son passage derrière les fourneaux du manoir anglais qui lui permettra d’obtenir la consécration. En 2020, il remporte le Prix Culinaire International Taittinger, véritable sacrement dans le monde de la gastronomie. « Avec le Covid, l’édition de l’année dernière a été annulée, alors j’ai pu le garder pendant deux ans », explique le Chef en jetant un œil sur l’impressionnant trophée qui trône dans la salle de restaurant, « mais je vais bientôt devoir le rendre ». Après la victoire, les sollicitations s’enchaînent pour le couple. Mais le bel élan est stoppé par un virus qui met le monde à l’arrêt…

« On s’était arrêtés sur une très belle proposition dans un établissement de renom, mais le Covid en a décidé autrement.On a décidé de faire appel à un chasseur de têtes qui nous a présenté Françoise Mutel et sa fille. On a tout de suite accroché, et on a eu véritable coup de foudre pour le lieu ». Il faut dire que la Maison dans le Parc a bien des atouts qui jouent en sa faveur. Une localisation idéale dans le centre piéton de Nancy, un cadre d’exception, une cuisine prête à l’emploi et une belle réputation, pas même entachée par l’étoile perdue en 2020. Ainsi, les confinements successifs n’auront pas raison de l’engouement de Charles et Roxanne. Ces pauses imposées permettront au Chef de peaufiner sa carte, d’explorer le terroir lorrain, mais aussi de prendre le temps de tisser son réseau de producteurs, d’ailleurs cités dans les intitulés des plats de la carte.

Charles Coulombeau Maison dans le parc
À gauche, le filet de turbot coulé dans la cire directement devant le client. À droite, une récente création du chef : le céleri en 14 façons – © La maison dans le parc

On y apprend notamment que l’agneau nous vient de la ferme de la Bonne Haye de la famille Thénot, située à Contrexéville. « Au début, on ne prenait que les côtelettes et les selles. Mais comme le producteur en fournit très peu, nous avons décidé de lui acheter les agneaux en entier. Cela nous oblige à nous montrer créatifs et à adapter nos plats en fonction du produit, et non l’inverse ». Pour ce qui est du poisson, c’est auprès de la ferme piscicole du Frais Baril à Xertigny que le Chef a trouvé son bonheur.

On souhaitait réduire peu à peu les produits provenant de haute mer de notre carte. On a beaucoup discuté avec les pisciculteurs, ça nous aidé à mettre au point de nouvelles propositions pour ne pas désorienter les clients habitués.

Parmi les créations promises au rang de plat signature du chef, on citera par exemple cette truite arc-en-ciel, que l’on vient couler dans la cire d’abeille devant les clients, avant de la rapporter quelques instants plus tard délicieusement confite, escortée de champignons shiméjis, de girolles et d’un beurre blanc au sureau.

À l’heure où bon nombre de chefs prônent une démarche durable et responsable en cuisine, Charles vise de surcroit l’élimination pure et simple de toute forme de gaspillage alimentaire. On le constatera dès l’entrée, avec cette déclinaison de tomates anciennes provenant de la ferme bio du Pichou, située à une quinzaine de kilomètres de Nancy. Travaillées crues, cuites, en mousse ou encore en gaspacho, le Chef veille au grain afin qu’il ne reste plus rien du légume à la fin. Le céleri rave, quant-à-lui, se présente carrément en 14 variations, dans une composition aussi technique qu’artistique. Le pigeon des Vosges de Thierry Laurent, éleveur depuis près de 30 ans, ne manque pas non plus d’étonner, puisque l’on retrouve dans l’assiette jusqu’à la patte du volatile. « Pour le moment, la seule partie que l’on n’utilise pas, c’est la tête. Mais on y réfléchit ! ».

En somme, une belle ode au produit lorrain, que l’on verrait bien re-couronnée prochainement de l’étoile perdue en 2020.

Texte de Mathilda Panigada

Charles Coulombeau, maître de sa Maison dans le Parc

La Maison dans le Parc
3, rue Sainte Catherine
54 000 Nancy
+33 (0) 3 83 19 03 57
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