Christophe Hay et sa carpe à la Chambord

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© 180°C - Photo Emmanuel Laveran

Christophe Hay, chef emblématique du terroir ligérien, officie désormais à Blois, au sein d’un hospice du XVIIème siècle transformé en superbe hôtel 5 étoiles avec spa : « Fleur de Loire ». Le nouveau complexe a ouvert ses portes fin juin 2022. Il s’avère le prolongement logique de de son parcours à la tête des restaurants parisiens des hôtels B Signature et de la table qu’il avait créée à Montlivault, la maison d’à côté, sur laquelle nous avions écrit bien avant les deux étoiles Michelin acquises en 2019. Au cuisinier qui a su remettre la carpe au goût du jour, nous avons posé quelques questions. Pour lui et en accord avec son engagement locavore, la cuisine de ce poisson se révèle primordiale. Car si la réputation de la carpe, généreusement pourvue en arêtes, s’est détériorée au fil du temps et de la pollution des eaux des rivières, elle occupa longtemps le rang de poisson noble dégusté par les rois. Inspiré d’une vieille recette retrouvée dans les cuisines du Château bâti par François 1er, Christophe Hay a créé sa Carpe à la Chambord, un plat signature flanqué d’une sauce au vin rouge retravaillée 100 fois jusqu’à se damner. Explications.


Bonjour Christophe Hay, parlez-nous de la carpe, qu’est-ce que ce poisson a de si particulier ?
La carpe comporte une chair peu exploitée chez les chefs étoilés. Personne ne la travaille car ce poisson est considéré comme vaseux, terreux et bourré d’arêtes !

Peu de cuisiniers rêvent de préparer de la carpe. Mais quand on s’amuse à comprendre la morphologie du filet, qu’on soigne la découpe, on permet aux gens de découvrir une chair exceptionnelle et méconnue.

Je m’y suis intéressé parce que c’est un poisson que je pêchais énormément, qui est présent en abondance dans la Loire, parce qu’il y connaît une croissance très rapide. Dans de petits étangs, la carpe grossit lentement. Mais plus elle vit dans des endroits vastes, plus elle grandit vite. Dans la Loire, les animaux ont de quoi bouger et se nourrir en quantité. Les prédateurs de la carpe ne sont pas nombreux : lorsque les carpes commence à grossir, peu de poissons la chassent.
Prenons l’exemple d’un autre très bon poisson, la perche. Bien qu’il soit carnassier, il a beaucoup de prédateurs : le silure, le brochet, le sandre… Colorée, la perche finit souvent par se faire manger. Mais la carpe, dès qu’elle atteint quelques kilos, plus personne ne vient l’embêter !

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La découpe de la carpe dans les cuisines flambant neuves de Fleur de Loire – © 180°C – Photo Emmanuel Laveran

Comment faites-vous pour pêcher la carpe ?
Nous avons Sylvain qui pêche pour nous et sait les débusquer, il connaît les coins. Il pêche la carpe avec des mailles adaptées. Nous ne la prélevons donc qu’à partir d’une certaine taille. On laisse les petites tranquilles bien sûr.
Les poissons sont gérés comme un cheptel d’animaux. Les très gros, les géniteurs, ne nous intéressent pas. On recherche la taille moyenne.

Savez-vous si la carpe est un poisson présent en Loire depuis longtemps ?
Oui, c’est un poisson qui est là depuis toujours, contrairement aux silures qui sont arrivés il y a quelques années et bien d’autres nouveaux-venus : le black-bass (ou perche noire) ou l’aspe par exemple. Mais c’est tout de même un poisson originaire d’Asie…

Quelle est donc l’histoire de ce plat de carpe à la Chambord ?
Cette recette a été créée au XVIIIème siècle pour le Maréchal de Saxe en visite au Château de Chambord. Grâce à Jean d’Haussonville, le directeur du Château qui m’a donné accès aux archives.

On a retrouvé des vieux menus, d’anciens croquis… une vieille recette m’intéressait, c’était celle de la carpe. Il y avait un dessin.

Les éléments étaient correctement représentés avec des écrevisses, la truffe, des morceaux de lard paysan… Nous avons choisi de faire une sauce au vin rouge parce que du vin rouge figurait à côté du plat.

christophe hay - carpe à la Chambord
La carpe à la Chambord – © 180°C – Photo Emmanuel Laveran

La carpe était servie entière, dressée sur un joli plateau d’époque, avec autour tous les éléments. Le croquis était très beau et le plat dressé de façon élégante.

On ressentait une envie d’utiliser les produits présents autour du château, parce qu’à cette époque, ils ne pouvaient pas prendre le carrosse pour se faire livrer des langoustines du Guilvinec ou du vin italien !

Tout se trouvait à proximité. Autre fait intéressant, si l’on parcourt les livres d’il y a une centaine d’années, nous figurions parmi les régions les plus productrices de truffes en France. Il y en a toujours beaucoup, d’autant plus qu’on replante des chênes truffiers. Nous avons d’ailleurs acquis récemment notre propre truffière. Nous l’avons rachetée à Jean-Pierre Chassard, avec qui nous travaillions auparavant et qui ne pouvait plus s’en occuper. Il avait planté ses chênes dans les années 80 et au fur et à mesure, il a continué. Aujourd’hui, nous bénéficions de trois hectares de Melanosporum (truffe noire) ainsi que de deux hectares d’Aestivum (truffe d’été).

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A droite, le nouveau terrain de jeu de Christophe Hay à deux pas de Blois – © 180°C – Photo Emmanuel Laveran

Vous disposez donc de votre propre truffière, mais aussi de vastes jardins potagers ?
Oui, grâce à Alain Gaillard, mon fidèle jardinier, aujourd’hui aidé par trois autres personnes. Le jardin occupe un hectare et demi, et nos serres s’étendent sur une superficie de 2 000 m2. La terre est très riche car nous sommes proche de la Loire, elle est moins sablonneuse, et le résultat est très satisfaisant, les légumes évoluent d’une très belle façon. En permaculture et en bio, sans pesticide, sans engrais. 100% écoresponsable. Désormais, je suis donc agriculteur. Je dis souvent que le fait d’être agriculteur, c’est d’avoir de la terre et de la cultiver. J’ai donc dû créer une société agricole. Lorsque l’on dépasse un hectare, nous sommes obligés d’avoir le statut d’agriculteur pour pouvoir l’exploiter. Avant, j’avais ma société agricole pour les animaux seulement. Maintenant, je suis cuisinier-agriculteur…et peut-être même agriculteur avant d’être cuisiner !

Christophe Hay et sa carpe à la ChambordFleur de Loire 
26 Quai Villebois Mareuil
41000 – Blois
Tel : 02 46 68 01 20

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