À la recherche des herbes de Provence de Provence

L’expression « herbes de Provence » n’étant pas une appellation protégée, l’écrasante majorité des mélanges vendus en France proviennent des pays de l’Est ou d’autres régions du pourtour méditerranéen, sans exigence de qualité ni de composition. À la coopérative de Trets, près d’Aix-en-Provence, l’origine géographique est garantie et la finesse aromatique incomparable.

Les herbes de Provence ne poussent pas que dans les collines
En mai, sur la plaine de Trets, les champs violets d’iris destinés à la parfumerie contrastent avec le vert des cultures et le gris de la Sainte-Victoire. C’est ici qu’en 1987, la coopérative Les Aromates de Provence (ex COPAMIVAR) fut créée par trois paysans toqués de plantes aromatiques. L’un d’eux, André Doudon, est désormais retraité mais donne régulièrement un coup de main à son fils Laurent, qui a repris le flambeau. Aujourd’hui, Monsieur Doudon père est venu en tracteur pour récolter le thym, équipé d’une casquette pour déjouer le soleil, déjà fort, et de lunettes noires « pour protéger les yeux, hein, pas pour faire le càcou* ». La farigoule (nom local du thym) et autres espèces parfumées – thym, romarin, sarriette, origan, marjolaine… – poussent naturellement sur la terre aride des collines. Mais leur culture, déployée dans les années 1980 après des siècles de cueillette sauvage, fait appel à des techniques pointues, notamment pour le désherbage et le séchage. « Il faut aussi contrôler l’irrigation et savoir quand ramasser chaque plante pour que ses qualités organoleptiques soient optimales, ajoute Laurent Doudon. Pour le thym, la première moisson a lieu en mai, au moment où les fleurs représentent environ 20 % des plants, mais pas plus pour ne pas perdre en huiles essentielles. »

plus de 90 % des herbes de Provence commercialisées en France sont importées

Il est vert, mon Label Rouge
La teneur en huiles essentielle est en effet l’un des principaux critères qui distinguent les herbes triées, coupées et le cas échéant assemblées ici des produits importés. Parmi les mélanges « herbes de Provence » élaborés à la coopérative, certains bénéficient en outre d’un Label Rouge, obtenu en 2003 quand les producteurs locaux cherchèrent à valoriser le fruit de leur travail. Les assemblages culinaires d’herbes dites de Provence avaient alors gagné les cuisines de la France entière, et, face à la demande, les produits venus de l’étranger étaient devenus largement majoritaires, ce qui est encore le cas aujourd’hui. Vincent Mignerat, président de l’A.I.H.P. (Association Interprofessionnelle des Herbes de Provence) et directeur de l’entreprise Provence Tradition, estime ainsi que plus de 90 % des herbes de Provence commercialisées en France sont importées.

Minoritaire mais authentique, le Label Rouge désigne à l’heure actuelle un mélange bien vert, composé de 19 % de thym, 27 % de romarin, 27 % de sarriette et 27 % d’origan.

Les variétés sont sélectionnées et leur taux d’huiles essentielles contrôlé. Dans les mélanges d’importation, c’est généralement le romarin – moins cher à produire – qui domine, éventuellement accompagné de poussières et de résidus de bois. Le test olfactif est sans appel : les herbes locales dégagent des parfums vigoureux (y compris les non labellisées), alors que les autres sentent… pas grand-chose.

Un cahier des charges futé
Mais pourquoi ne pas avoir demandé une IGP ou une AOP, qui attestent d’une origine géographique, quand le Label Rouge témoigne d’une qualité supérieure et non d’un terroir ? « Le nom « herbes de Provence » était devenu générique et porteur d’une économie qui pesait déjà lourd, raconte Vincent Mignerat. En théorie, il est possible de produire des herbes de Provence Label Rouge n’importe où, mais en pratique, on s’est débrouillés pour mettre en place un cahier des charges très restrictif. Allez par exemple faire pousser du thym carvacrol en Pologne : vous aurez certes la bonne variété botanique, mais avec la pluviométrie locale, vous n’atteindrez pas la concentration nécessaire en huile essentielle. » Pour l’heure, toutes les herbes de Provence Label Rouge sont donc exclusivement produites sur le site de transformation des Aromates de Provence, après avoir été cultivées, récoltées et séchées sur les terres de la quarantaine de producteurs de la coopérative. Ceux-ci sont installés dans la région PACA ou dans la Drôme. Une IGP « Thym de Provence » devrait également tomber à la rentrée 2017 : affaire à suivre.


Où acheter des herbes de Provence… de Provence ?

  • La coopérative Les Aromates de Provence fournit grossistes et professionnels du secteur alimentaire. Cependant, les particuliers peuvent acheter des herbes en gros, sur place (926 Chemin des Vertus, CD 12, 13530 Trets) : 25 € pour 1 kg d’herbes de Provence. Expédition possible sur demande (tél. 04 42 61 52 38). La vente au détail pour les particuliers est en projet (à suivre sur www.lesaromatesdeprovence.net).
  • Sur le site de Provence tradition
  • À la Grande épicerie de Paris ou sur le site
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