Fait étonnant, contrairement aux gastronomies française, mexicaine, coréenne et japonaise, la cuisine italienne n’est toujours pas inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO. Scandale ! Gageons qu’une telle injustice sera bientôt réparée, la candidature transalpine étant officiellement lancée depuis 2023. Certains n’ont pas attendu la reconnaissance officielle pour exporter les saveurs de la Botte vers des horizons lointains.
Bien connu des gastronomes milanais, le restaurant Paper Moon a été créé en 1977 par Pio Galligani et son épouse Enrica. A l’origine : une auberge dans le quartier de la mode proposant une cuisine du nord, rustique et familiale. Nommée en l’honneur du film Paper Moon de 1973 avec Ryan O’Neil, la taverne où l’on jouait des coudes pour engloutir les fameuses papardelles à la crème du patron a depuis monté en gamme. Revampé en 2018, Paper Moon Giardino a pris ses quartiers à deux pas, dans le Palazzo Reina, avec patio serti de tables en fer forgé et parasols. En parallèle, la marque a déployé son concept à l’international épinglant Londres, Doha, Istanbul, Hongkong… et une poignée d’autres destinations bankable à son carnet de bal. Dernière lubie en date : le Maroc. En juin 2024, un ultime Paper Moon a ouvert ses portes au sein du Fairmont Taghazout, pharaonique hôtel au Maroc sous bannière Accor déjà bien achalandé avec le japonais Morimoto et Beef&Reef, restaurant de grillades.
Avant l’inauguration officielle au sein du 5 étoiles, le mobilier à peine installé, nous avons eu la chance de tester la carte en compagnie de l’équipe internationale dont le chef Fabrizio Aceti, consultant pour le groupe, qui a supervisé l’ouverture. Soucieux de plaire, Fabrizio apportera la touche finale aux portions dégustées ce soir-là.
Le design est chic et épuré, la palette chromatique oscille entre gris pâle, bois blond et rose tendre, avec cuisine ouverte et terrasse.
Manquent plus que les clichés en noir et blanc de vieux films italiens qui viendront bientôt orner les murs, éléments de décor caractéristiques de tous les écrins Paper Moon. Antipasti, primi, secondi… sous une légère brise de juin, les assiettes défilent à bon tempo, entrecoupées de lichées de vins locaux qui composent 90 % de la cave, le reste étant dévolu aux références internationales. Nous trempons nos lèvres dans Eclipse, vin blanc de la région de Meknès, assemblage des cépages Marsanne, Roussane et Viognier. Minéral, floral, parfaitement rafraichissant.
Dans l’assiette, une première chose étonne. Certes pizze en tout genre margherita, fioretina et calzone… répondent à l’appel, tout comme l’inévitable burrata, relevée ici d’une crème de tomates confites au romarin, huile de basilic et crumble de pain grillé. Pour le reste, Paper Moon tient sa ligne d’une gastronomie de terroir, au beurre plutôt qu’à l’huile d’olive, loin du fantasme d’une cuisine italienne forcément ensoleillée. Second fait notable : on apprend que la carte est la même dans tous les Paper Moon du monde, en dehors d’ajustements mineurs liés aux cultures locales (la pancetta est dans les pays musulmans remplacée par du pastrami).
L’attention est mise sur les produits locaux et de saison, ça tombe bien on trouve au Maroc d’excellents légumes, fruits, viandes et poissons.
De Doha à Hongkong, vous dégusterez donc les mêmes saveurs, portées par le même savoir-faire (toutes les équipes sont formées à la maison milanaise). Rassurant. Et logistiquement payant. On retiendra le tartare en trois façons, les fleurs de courgette farcies à la mozzarella di bufalaservies avec une sauce aux anchois, le risotto aux asperges crémeux escorté de son parmesan vieilli 24 mois… Mais aussi : le turbot et sa purée de pommes de terre violettes, asperges, salicorne et romarin, ou le steak T-Bone servi avec asperges croquantes et tomates grillées. Des desserts particulièrement généreux clôturent le banquet. Aucune fausse note, tout est bien assaisonné et très gourmand, les cuissons parfaites et les dressages précis dignes d’un gastro. Paper Moon est fin prêt à faire briller la cuisine de Lombardie sous le soleil marocain.
Texte de Céline Dassonville
Paper Moon au Fairmont Taghazout
Station Touristique, Km 17 Route D’Essaouira, Taghazout 80750