Alors que débute en France ce vendredi 13 mai 2021, la Semaine de l’Agriculture Française portée notamment par le Ceneca (Centre national des expositions & concours agricoles), le Concours Général Agricole et le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, il est consternant de voir, une fois encore, comment la grande distribution balaie d’un revers de la main ses engagements de défense de l’agriculture française pour valoriser, en lieu et place, les prix bas, les produits « pas de saison » et écologiquement irresponsables eu égard aux milliers de kilomètres parcourus.
Prenons le cas de Lidl – partenaire officiel de la semaine de l’agriculture française – qui se targue dans une de ses nombreuses campagnes télévisées de référencer 140 fruits et légumes frais chaque jour et d’ajouter « de saison ». Vous vous en doutez, entre ce beau discours (30 000 emplois soutenus, Made in France privilégié, 72 % de produits alimentaires français…etc.) et la réalité promotionnelle, il y a un pas, ou plutôt un gouffre et, cette semaine, ce sont les producteurs de melons français qui en font les frais.
La pirouette sémantique concerne le mot « charentais » répété à longueur de spot radio pour des melons vendus 1,99 € pièce. « Et c’est du charentais patron ! ». Vous la sentez venir la pirouette ? En jouant, à maintes reprises sur le mot « charentais », Lidl tente insidieusement de faire croire à l’auditeur que son melon est produit dans les Charentes. Il faut évidemment aller jusqu’au bout du spot, à cet instant précis où le débit des mentions obligatoires est plus rapide, pour entendre que ledit melon Charentais est produit en Espagne ou au Maroc. Édifiante manière de soutenir le monde agricole français en étant partenaire officiel de la semaine de l’agriculture française.
Rappelons à Lidl, même s’ils le savent, que le melon Charentais n’est pas une origine géographique mais un type commercial. D’ailleurs, ce spot aurait-il été conçu si le melon à promouvoir avait été le « brodé » ou le « noir des Carmes » ? Gageons que non ! Rappelons également à ce partenaire officiel que ce n’est pas la saison du melon. Elle ne débute en France qu’en juin pour se terminer en septembre.
Un peu de pédagogie ne nuit pas. Le melon de type Charentais est la variété la plus consommée dans l’Hexagone (80 % en été). Il peut être de type jaune (chair orange sucrée et juteuse) ou vert (chair plus croquante). À cette variété s’ajoutent des dizaines d’autres dont le Brodé Américain, le Brodé Italien, le Canari, le Galia ou le Piel del Sapo. En France, les différentes variétés sont produites essentiellement dans le sud-est (44 %) dans le Centre-ouest et dans le Sud-ouest et peuvent parfois afficher des signes officiels de qualité comme le melon du Quercy (IGP de type charentais) et le melon Label Rouge « Perle des Champs » dans l’Hérault. Quant au melon de Cavaillon, il s’agit une marque gérée par le Syndicat des Maîtres Melonniers de Cavaillon qui regroupe des producteurs et des metteurs en marché sur une aire géographique qui comprend le Vaucluse, les Bouches-du-Rhône, le Gard, les Alpes-de-Haute-Provence, une partie de la Drôme et de l’Ardèche.
Résumons, nous aurions aimé que Lidl fasse, en pleine Semaine de l’Agriculture Française, la promotion d’une production française et de saison et de soutenir la filière « melon produit en France » au cœur de sa saison de récolte et de consommation.
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Philippe Toinard – Rédacteur en chef de la revue 180°C