Hasard de l’actualité ou terrible coïncidence, un cas de vache folle a été détecté en Angleterre début septembre 2021 au moment même où l’Union Européenne annonçait, dans un texte publié au Journal Officiel, le retour des farines animales dans l’alimentation des volailles et des porcs, vingt ans après leur interdiction. Certes, les ruminants ne sont pas concernés par ce nouveau dispositif et la France, de son côté, a indiqué demander de nouveaux avis avant de se prononcer. Pour autant, est-il vraiment nécessaire de reproduire les erreurs du passé ?
Souvenez-vous. En 1985, le laboratoire vétérinaire du secrétariat d’État britannique de l’Agriculture signale l’apparition d’une maladie chez les vaches laitières. Un nom scientifique fait irruption dans notre vocabulaire, l’encéphalopathie spongiforme bovine, une maladie neurodégénérative qui touche les bovins et peut se transmettre à l’homme. En cause, une partie de l’alimentation des bovins, des aliments concentrés généralement composés de maïs, d’orge, de soja, de colza… auxquels sont ajoutés des farines animales produites à partir de graisses, d’os, de déchets d’abattoirs et de carcasses d’animaux morts. En 1991, le premier cas d’encéphalopathie spongiforme bovine est détecté en France et partout en Europe, on abat des milliers de bovins. C’est le début d’une grave crise sanitaire qui va traumatiser le monde agricole mais aussi les consommateurs.
Farines animales bannies. Dès 1994, les farines animales sont interdites en France pour les ruminants mais de nouveaux cas de vaches folles apparaissent dans l’Hexagone bien après 1994 en raison de contaminations croisées. En 2000, toutes les farines animales sont alors définitivement bannies en France et l’Union Européenne vote leur interdiction un an plus tard avant de revenir sur ce texte, notamment en 2013, en permettant d’utiliser des farines animales issues de volailles ou de porcs sains pour nourrir les poissons mais aussi nos animaux domestiques. Tout le monde le sait, les poissons adorent manger du cochon !
Ne dites plus farines animales mais PAT. Le 18 août dernier, un texte a donc été publié au Journal officiel de l’Union Européenne autorisant le retour des farines animales ou plutôt PAT pour Protéines Animales Transformées… entre nous, il n’y a guère de différences si ce n’est que les parties écartées de la chaîne alimentaire (viscères, pieds…) seront prélevées sur des animaux sains destinés à la consommation humaine et non plus sur des animaux morts et il est clairement indiqué que le cannibalisme est désormais interdit. Ainsi, un éleveur ne pourra plus donner des PAT issues de porcs à ses cochons mais en revanche un éleveur de volailles pourra nourrir ses animaux avec des PAT de cochons et inversement. Car, là encore, c’est bien connu, les poulets raffolent des pieds de porcs et les cochons se délectent des crêtes de coq !
Si l’on peut se féliciter de la position de la France, qui s’est abstenue et a demandé de nouveaux avis, on peut tout de même s’interroger sur cette décision de l’Union européenne qui souligne la rigueur absolue des nouveaux cahiers des charges. Toujours est-il que tous ses membres, en dehors de la France et de l’Irlande, semblent trouver normal qu’un poulet mange du porc et inversement. Ou l’art et la manière de ne tirer aucune leçon du passé et de laisser la porte ouverte à de futures fraudes organisées par des entreprises désireuses d’engranger des profits sur le dos des animaux et dans le dos des consommateurs.
Philippe Toinard – Rédacteur en chef de la revue 180°C