Au Clos du Jaugueyron, avec sa compagne Stéphanie, Michel Théron, ce vigneron originaire du Languedoc, montre un autre Bordeaux que la caricature trop souvent véhiculée. Approche sensible !
Les clichés et les a priori nous font souvent considérer le vignoble bordelais par l’unique prisme de ses prestigieux châteaux. Vision réductrice voire déformée ! Certes, les propriétés aux mains d’immenses fortunes ou de groupes financiers existent bel et bien. Mais elles ne constituent qu’une toute petite minorité des acteurs viticoles girondins. Le gros de la « troupe » ? Des domaines à échelle familiale, sans mécène, où le vigneron est au four et au moulin, dans ses vignes, au chai et à la commercialisation. Direction le Médoc, rive gauche, cette « presqu’île » coincée entre le fleuve et la forêt, dont la route des vins traverse quelques appellations stars comme Saint-Julien, Pauillac ou Saint-Estèphe… Michel Théron a l’accent d’un autre sud : originaire du Minervois, dans le Languedoc, il a mis le pied dans le Bordelais en 1988 pour suivre des études « viti-vini » à Blanquefort, a rencontré sa compagne Stéphanie et découvert un vignoble dans lequel il s’est inventé une belle histoire et un destin de vigneron… Bref, il n’est jamais reparti.Parce que nous défendons les mêmes valeurs et partageons la passion des vins bien faits, rares et sincères, l’équipe 180°C vous recommande chaudement d’aller jeter un oeil aux boxes imaginées par Viamo, le club des épicuriens amateurs de vins vivants
1993 : premier fermage de 40 ares. Quelques vingt-sept millésimes plus tard, le couple – Stéphanie l’a rejoint sur le domaine à temps plein en 2010 – a hissé le Clos du Jaugueyron parmi les valeurs très sûres d’une Gironde buissonnière. Pas celle des autoroutes pour buveurs d’étiquettes ronflantes. Celle des itinéraires bis, de ses humbles domaines qui, à force de convictions plus que de marketing, finissent par toucher la sensibilité de sommeliers, restaurateurs et cavistes en quête de profondeur plus que de paillettes. Le camp de base de Stéphanie et Michel ? La commune d’Arsac, leur jolie maison au cœur de la nature, le chai presque attenant, 2,5 hectares de vignes sur l’appellation Margaux, et 4,5 hectares en Haut-Médoc. « En mars dernier, on a fait le choix de diminuer la surface. On avait alors 9 hectares et on s’agrandissait un peu chaque année pour sûrement bientôt atteindre les 10 ou 12 hectares », explique Michel. « Aller vers ça, c’était plus d’administratif, plus de gestion, la mise en place d’une hiérarchie, de process de production… ». Pas vraiment la philosophie du bonhomme : « à ce palier de 7 hectares, et même si je ne fais pas tout à la perfection, il me semble que je peux garder le ressenti et l’intuition du vigneron, rester au contact intime de mes parcelles ».
Michel n’est donc pas vigneron à appliquer une recette. Pourtant, à l’origine, il était un pur conventionnel, pratiquait une agriculture utra-dominante pas vraiment romantique et peu soucieuse de l’environnement. Il a fini par s’en lasser. A la faveur d’une évolution personnelle, de rencontres ou de dégustations, le virage fut pris dans les années 2000 vers une viticulture durable, propre, respectueuse, engagement concrétisé par la certification en bio puis en biodynamie.
Depuis, on est en phase avec nos vignes.C’est là que tout se fait »…
Cette idée n’est pas qu’un slogan, « c’est une réalité », dit Michel, très pointu sur la vie des sols et de la plante. « Au chai, c’est la continuité de la vigne. Il ne faut pas gâcher la matière première par un travail qui vient marquer les vins, par l’extraction. C’est la délicatesse qui doit primer tout le temps afin que nos vins reflètent le lien à la nature, nos raisins, notre terroir ». S’adapter au caractère de la vendange, intervenir sans brutalité par de légers pigeages, et bannir les intrants à l’exception de sulfites en très faibles doses. Si l’élevage sous bois n’a pas toujours bonne presse dans les milieux bio-nature, Stéphanie et Michel ont choisi de ne pas l’exclure : « notre volonté est de profiter d’un bon élevage pour affiner les structures et les tannins, apporter finesse et élégance aux vins, mais sans les marquer aromatiquement ».
Donc pas de barriques de 225 litres chez eux, mais des fûts de 400 litres et des foudres plus imposants encore qui risquent moins d’infliger au vin un boisé non désiré. Michel cherche, explore, s’interroge, réfléchit. Les vins qu’il apprécie ? « J’aime les vins qui parlent de leur région, sans lourdeur, sans domination de l’alcool. La buvabilité d’un vin, pour moi, c’est fabuleux. Et, même si pendant quelques décennies, Bordeaux a voulu montrer ses muscles avec des vins larges, on peut y obtenir de la finesse… En rive gauche par exemple, le cabernet n’est pas un bulldozer. Sur nos sols de graves, il peut se révéler d’une élégance et d’une subtilité incroyables ». Composé de cabernet-sauvignon, de merlot, de cabernet-franc et de petit verdot, le vignoble du Clos du Jaugueyron donne des vins à cette image : avec chacune leur tempérament, les cuvées – du Haut-Médoc à Nout en passant par Petit Jaug – déploient une signature commune : équilibre, profondeur, fraîcheur, énergie communicative, buvabilité… Et ce lien profond au terroir que le vigneron ressent aussi pour lui-même.
Cette grosse région bordelaise est beaucoup plus ouverte que l’image que l’on s’en fait de l’extérieur. On n’a jamais freiné mon installation !
C’est ce qu’explique celui qui constate une évolution générale assez positive. « J’aimerais que ça aille plus vite mais Margaux, depuis une dizaine d’années, a beaucoup changé. Depuis vingt ou trente ans, des propriétés avaient beaucoup grossi sous l’impulsion d’investisseurs. On en avait oublié les sols et on était tombé dans la facilité des désherbants chimiques. Là, je constate une remise en question et une prise de conscience de ce que la nature et les sols peuvent donner ». Les vins du Clos du Jaugueyron en sont d’ailleurs des exemples remarquables… À bon entendeur !
Retrouvez les vins de Michel Théron
et bien d’autres vignerons sincères, sur le site www.viamo.fr,
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