La largeur d’une ruelle, c’est ce qui sépare La Mirande de l’un des flancs du célèbre Palais des Papes, petit joyau architectural de la ville d’Avignon et souvenir à jamais figé de ce lieu au sein duquel on accueillait les souverains pontifes du XIV ème siècle. À La Mirande, rien n’est resté figé, bien au contraire. Entre ces murs datant du XIII ème siècle bat le coeur d’un somptueux hôtel et de son restaurant gastronomique emmené par le jeune chef Florent Pietravalle. Depuis 7 ans il continue d’écrire l’histoire de ce lieu à travers une cuisine réfléchie. Une cuisine de bon sens, guidée par la saisonnalité, inspirée par les richesses du terroir et ses petits producteurs, rythmée par des accords terre et mer savamment orchestrés. Un travail auréolé d’une étoile par le célèbre guide rouge à laquelle est venue s’ajouter une étoile verte, saluant tout particulièrement l’état d’esprit du chef et sa vision d’une cuisine engagée.
Passées les larges portes en bois gardant l’entrée de la Mirande, nous voici catapultés au siècle des lumières. En restaurant ce qui fut autrefois une vaste demeure privée pour la transformer en luxueux 5 étoiles, on a manifestement tenu à préserver l’authenticité, conserver au mieux les vestiges d’une époque marquée par le raffinement et apporter le confort de quelques modernités sans jamais trahir l’âme du lieu. Le résultat est tout simplement spectaculaire.
Il en fallait de l’humilité pour venir s’imposer derrière les fourneaux de cette illustre maison, ça tombe bien, Florent Pietravalle n’en manque pas. Il a beau avoir fait Top Chef et passé 4 ans à s’affûter auprès du grand Pierre Gagnaire, il a su garder la tête froide. Calme, posé, un brin réservé, c’est en cuisine que ce Montpelliérain s’exprime pleinement.
Et pour prendre pleinement possession de celle de La Mirande et de son nouvel environnement, il lui faudra un an. Un an pour prendre le pouls de sa région d’adoption, se familiariser avec son terroir, séduire ces producteurs, paysans, maraîchers, éleveurs, pêcheurs et autres artisans, en tout une cinquantaine de collaborateurs qui seront les ingrédients principaux d’une cuisine locale audacieuse et engagée.
C’est juste du bon sens, on n’invente rien. On revient à ces choses qui existaient déjà mais qu’on a oubliées… La mondialisation a ses limites, les crises récentes nous l’ont bien montré.
Audacieuse car Florent Pietravalle a le goût du risque et des challenges, comme avec ce menu deux, trois ou encore quatre séquences, composé en fonction de la fraîcheur des arrivages. Comprenez une séquence comme un produit autour duquel on décline trois ou quatre plats différents. Si le fil conducteur reste invariablement le terroir, le chef tisse autour de ses produits une histoire mise en relief par des techniques tout autant inspirée de ses voyages que de ses passages dans de grandes maisons comme celle de Pierre Gagnaire bien sûr, Joël Robuchon ou Jean-Luc Rabanel.
Audacieux, Florent l’est aussi quand il choisit de mettre à sa carte des produits qu’on ne sert pas d’ordinaire dans un restaurant gastronomique. À l’instar de cette raie, un poisson de vase certes, mais travaillée trois jours, elle prend alors sans complexe sa place sur le menu aux côtés de produits bien plus nobles.
Le risque réfléchi, c’est la ligne de conduite de Florent quand il s’agit d’imaginer de nouveaux plats, de narrer des histoires, créer de la surprise et de nouvelles émotions. À cette fin et en jouant la partition du terre-mer, le chef a trouvé un fabuleux terrain de jeu lui permettant de raconter sa Provence autrement qu’à travers la traditionnelle ratatouille. On en veut pour exemple cette rencontre entre la tête de cochon et le Murex de Méditerranée, un mariage insolite et pourtant fabuleux, qui n’aurait sans doute jamais été consacré sans une évidente prise de risque.
Quant à l’engagement, il est évidemment lisible dans les assiettes, au fil d’une cuisine locale très personnelle ayant à coeur de valoriser la diversité des richesses offertes par le terroir. Mais l’engagement du chef va bien au-delà des assiettes. Par exemple, les caves de La Mirande abritent désormais une champignonnière réalisée en collaboration avec l’association Comme des Champignons, dans le cadre d’un projet agricole urbain pour privilégier les circuits courts. Avec 40 kilos de Shiitakes et pleurotes récoltés chaque semaine, le concept a fait ses preuves et ne devrait pas manquer d’inspirer.
À la belle saison, les herbes aromatiques viendront de nouveau investir le toit de la cuisine. Tandis qu’avec avec l’association Cyclo’Compost, il a mis en place un système de tri sélectif des déchets compostables. Ceux-ci sont ensuite récupérés par l’association Les Jeunes-Pousses pour amender les terres.
Nous, on ne va pas changer le monde ! Mais à notre échelle, on essaye de travailler en étant justes et éthiques.
Un écosystème vertueux, bénéficiant de l’aura d’un chef et du rayonnement des étoiles qu’il a su décrocher en combinant l’audace et le talent en cuisine à sa vision personnelle d’une gastronomie durable…
Ce qu’on souhaite au chef ? De poursuivre l’écriture de cette belle histoire culinaire avec la Mirande qu’on prendra plaisir à suivre. Conserver cet état d’esprit faisant de lui l’un des fers de lance les plus affûtés de cette jeune garde de chefs engagés pour le bon goût. Et trouver avec ses équipes le chemin d’une seconde étoile bien méritée.
LA MIRANDE
4 place de l’Amirande
84000 – Avignon
04 90 14 20 20 // mirande@la-mirande.fr