Hier, tard dans la nuit, je regardais la série de science-fiction Stranger things, terrifiée par un monstre venu des profondeurs de la terre. Soudain, j’ai entendu un souffle dans la cuisine. Ça faisait pssshhhh, ça soufflait, ça borborygmait, et moi, j’étais en apnée. Une heure plus tard, les agents de la police municipale m’ont rendue à l’évidence : ce n’était pas un monstre mais une flopée de bactéries en train de dégazer, pénardes, dans des bocaux de chou chinois pimenté. En forme, mon kimchi.
Chou pétomane
Cela fait plusieurs semaines que je me suis lancée dans l’aventure de cette préparation traditionnelle coréenne, estampillée Unesco , à base de légumes et de piment (environ 15 kilos de végétaux kimchisés en un mois pour la science – et les voisins), mais c’est la première fois que le chou est à ce point déchaîné. Pour cette version particulièrement effervescente, j’ai suivi les instructions de Luna Kyung , Coréenne installée à Paris, qui partage les secrets de l’art du kimchi sur son site avec précision et poésie. Sa recette est également disponible dans un ouvrage coécrit avec Camille Oger, L’art de la fermentation (éd. La Plage).
Lacto-fermentation, comment ça s’éternue ?
Car le kimchi est une lacto-fermentation, comme la choucroute : faute d’oxygène, les légumes salés et assaisonnés (piment, gingembre, ail, oignon, sauce de poisson) se mettent à produire nutriments et gaz carbonique – d’où les pssshhhh –, sans effet sur le réchauffement climatique. Niveau gustatif, pour paraphraser les commentateurs enthousiastes de recettes en ligne, c’est une tuerie ! Le kimchi jeune condimente agréablement des œufs au plat, un bol de riz garni, ou, comme le suggère Luna, du fromage. Quand il est plus âgé, les Coréens le transforment parfois en crêpes ou en ragoût, raison pour laquelle je réserve quelques bocaux dans ma cave d’affinage. Encore mieux que la cuisine du vivant, voici la cuisine de la résurrection. Amen !
Une petite recette pour la route
Kimchichi-frégi (kimchi de Marseille*)
- Faire tremper les feuilles d’1 chou chinois dans 1,5 l d’eau additionnée de 200 g de sel de mer gris pendant quelques heures.
- Les rincer 3 fois dans de l’eau claire puis les égoutter.
- Dans un saladier, mélanger un beau morceau de radis blanc émincé, ½ botte d’oignons nouveaux ciselés, 2 gousses d’ail hachées, 1 petite noix de gingembre râpée, 1-2 cuillères à soupe de piment coréen « gochugaru » (ou du piment d’Espelette additionné de piment de Cayenne), 1-2 cuillères à soupe de nuoc-mam et 1 cuillère à soupe de sucre.
- Malaxer délicatement le chou avec cet assaisonnement, le tasser dans un bocal à joint d’1 litre et fermer hermétiquement.
- Laisser fermenter pendant 5-7 jours à température ambiante puis entreposer au frais ou à la cave.
* Fonctionne aussi dans le Nord-Pas-de-Calais, où on l’appelle kimchtimi, voire kimchicon.
Nous parlions de fermentation lactique
dans notre 180°C N°6, voir ici