Les professionnels du vin et des eaux-de-vie aiment à dire que le cognac, c’est l’art de l’assemblage. Certes, mais il est des vignerons et des vigneronnes qui préfèrent penser et produire des cognacs de terroir, aux styles bien distincts, qui révèlent des parcelles ou des vieillissements. Fanny Fougerat est de ceux-là.
Fanny Fougerat se sentait intimement liée à ce terroir. C’est pour cette raison qu’elle est revenue sur ses terres en 2010 après une première partie de carrière dans l’aide au développement et dans l’économie sociale et solidaire, en France et à l’étranger. Sans ce retour, il est fort probable que l’histoire de cette maison qui vendait en négoce, se serait arrêtée là. Pour autant, ce n’est pas ce qui a poussé Fanny à rejoindre la Charente-Maritime mais plutôt l’image qu’elle avait du cognac à l’étranger, une eau-de-vie d’assemblage. Convaincue qu’il est possible de proposer des « cognacs d’auteur », celle qui représenta aujourd’hui la 4egénération, se forme pendant plusieurs années et met en bouteilles sa première production en 2013. Elle s’appuie alors sur un vignoble d’ugni blanc, très morcelé, une mosaïque de terroirs de 30 hectares, en borderies (le plus petit des six crus du cognac) et en fins bois* sur des limons à silex et du calcaire pour une production à 95 % consacrée au cognac et 5 % en pineaux blancs et rosés. Trente hectares auxquels il faut ajouter les 20 hectares de son compagnon, Bertrand, installé dans la commune voisine de Saint-Bris-des-Bois.
Une gamme… et des hors-séries
Si Fanny s’appuie toujours sur le négoce, elle stocke systématiquement l’équivalent de 10 hectares pour produire ses propres cognacs en isolant les raisins au moment des vendanges. De ce travail parcellaire, est née une gamme de cognacs aux styles distincts sans assemblage, des lots uniques comme des millésimes aime à préciser Fanny. Certains sont le résultat de ses premières vendanges, des distillations à Burie et du vieillissement à Saint-Bris-des-Bois. D’autres sont issus d’eaux-de-vie de Christian, son père, ou d’eaux-de-vie achetées à un tiers comme le Type 73, un hors-série en appellation Petite Champagne sorti à l’automne 2021, provenant d’un seul fût dont elle a transféré le contenu dans l’un des siens. Dépêchez-vous, il n’y en aura pas pour tout le monde !
Le reste de la gamme, épurée et sans artifices, est composé de Petite Cigüe, fruité et acidulé, Laurier d’Apollon (vendanges 2011), jeune, masculin et plus concentré mais aussi plus rare car la production ne dépasse pas les 2 500 bouteilles, Iris Poivré 100 % en appellation cognac Borderies et enfin, Cèdre Blanc, un Extra-Old qui allie, finesse, force et fraîcheur.
Parce qu’aux yeux de Fanny, il est plaisant de prendre son temps pour décider, goûter, innover et surtout pour garder l’envie, elle réfléchit régulièrement à de nouvelles cuvées comme cognac Marin, un hors-série imaginé avec la complicité du chef 3 étoiles Michelin de La Rochelle, Christopher Coutanceau. L’idée, faire vieillir sur l’île de Ré et pendant un an des bois à grains fins taillés dans des chênes du centre de la France. La Tonnellerie de Jarnac a ensuite fabriqué deux fûts à partir de ces bois dans lesquels ont été versés en 2022, un cognac de 2011 isolé dans les chais de vieillissement. Mis en bouteille au printemps 2022, ce cognac ne pourra séduire que 1 100 amateurs à condition que chacun n’en prenne qu’une bouteille.
Texte de Philippe Toinard
* Depuis 1938, l’aire de production du cognac se divise en 6 crus : la Grande Champagne, la Petite Champagne, les Borderies, les Fins Bois, les Bons Bois et les Bois ordinaires.
