Cyril Attrazic, l’Aubrac pour territoire

Cyril Attrazic - Chez Camillou
Le chef Cyril Attrazic - © 180°C - Photograhie Éric Fénot

S’il ne le croise pas sur le marché, Cyril Attrazic se rend à quelques kilomètres de Lodève sur la commune Les Plans, chez Sylvain Miñana, son pisciculteur, qui le fournit en ombles chevaliers. Jamais l’expression « pour vivre heureux, vivons cachés » n’a autant collé à une personne, ou plutôt à un couple, car chez Poissons et Passion, Sylvain travaille avec sa compagne, Najiba, dans un site époustouflant de beauté, au bout du bout, niché dans une vallée encaissée entre le massif volcanique de l’Escandorgue et le plateau du Grézac.

Ici, point de rivière détournée pour recueillir l’eau mais simplement de l’eau de source qui descend des massifs directement dans la pisciculture. Sylvain n’est pas peu fier de la qualité de l’eau : « Je fais régulièrement des prélèvements que j’envoie au laboratoire. Taux de dioxine, zéro, taux de PCB, zéro. »
Lorsqu’il reprend la pisciculture en 1999, son prédécesseur ne produisait que de la truite arc-en-ciel depuis 1967. Sylvain et Najiba en font encore un peu mais ils ont jeté leur dévolu sur la truite fario et l’omble chevalier qui a été introduit ici en 2004 à partir d’alevins achetés dans les Pyrénées. Le couple assure tout, de la naissance à la vente mais point de produits dérivés type terrines ou mousses, ils ne sont pas équipés pour cela et, surtout, l’omble chevalier demande beaucoup d’attention : les journées sont déjà bien remplies. Les techniques d’élevage – il faut compter entre douze et dix-huit mois pour obtenir un omble chevalier commercialisable – sont les plus naturelles possible.

Cyril Attrazic - Chez Camillou
Entre le massif de l’Escandorgue et le plateau du Grézac, la pisciculture de Sylvain Miñana fournit en omble chevalier et en truite, un certain nombre de chefs étoilés. – © Photograhie Éric Fénot

Et, même s’ils n’affichent pas le label bio, leur production l’est bien, à commencer par la nourriture sans farine animale complétée par des micro-organismes issus des sources mais aussi des insectes et des débris de végétaux.

De ce paradis, où les bassins sont conséquents, sortent 10 à 12 tonnes de poisson vendues aux professionnels et aux restaurateurs à condition qu’ils aillent les livrer sur une plate-forme logistique. Sylvain ne le claironne pas, mais Cyril nous glisse l’information dans l’oreille : « Parmi ses clients, il y a de nombreux étoilés Michelin avec souvent deux voire trois étoiles. » Personne ne sait comment il les prépare mais, ce qui est certain, c’est que Cyril travaille l’omble chevalier avec un sabayon au café et du chou-fleur. La seconde entorse est plus au nord… à Massiac, un village que l’on surnomme « le verger du Cantal ».

Cyril Attrazic - Chez Camillou
© 180°C – Photographies Éric Fénot

Cyril Attrazic est tombé sous le charme d’un forçat du légume, un certain Samuel, plus connu sous le nom de Samy. Enfin, c’est comme cela que sa chérie, Sandrine, l’appelle. Ce dernier travaille à 80 % de son temps pour le conseil général et, le matin très, très tôt ou le soir très, très tard, il s’est mis en tête de cultiver des légumes labellisés AB et estampillés Nature & Progrès, puis d’aller voir les chefs pour leur proposer ses différentes variétés issues de plants non hybridés qu’il achète notamment chez Kokopelli. Cyril est admiratif de cette force de la nature bâtie comme un rugbyman. Sur 1 hectare réparti en 3 parcelles, il fait pousser deux variétés de haricots verts, de l’oseille sauvage, une quinzaine de salades, quatre variétés de pommes de terre, une dizaine de tomates, sept de carottes et quatre de betteraves pour ne citer qu’elles. Quand on demande à Samy combien de variétés il cultive réellement, il lève les yeux au ciel et soupire : « Je n’en sais vraiment rien. » Et quand le soleil tape trop fort sur Sabatey, l’une de ses parcelles, il traverse le ruisseau qui coule le long et s’enfonce dans un bois. Pour avoir dévoré tous les livres de François Couplan, le célèbre ethnobotaniste, il est incollable sur la cueillette sauvage.

Cyril Attrazic - Chez Camillou
À Massiac, dans le Cantal, Samy est à la fois producteur de légumes bio et cueilleur d’herbes et de plantes sauvages. – © Photograhie Éric Fénot

En quelques minutes, son panier se remplit de benoîte, d’ail des ours, de berce, d’onagre, dont la racine a le goût de jambon braisé quand elle est cuite, et de polypode, la reine des fougères dont la racine à la saveur réglissée entre dans la composition d’un plat de Cyril, une truite fario, des petits pois, des févettes et une crème de polypode. Pour le moment, Samy ne vit pas de ce second métier mais il est fier de travailler pour des chefs qui, pour l’aider et parce qu’ils comprennent qu’il n’a pas une minute à lui, lui proposent souvent de ne pas perdre du temps en livraisons longues et coûteuses. Ils se déplacent ou font la moitié du chemin.

Cyril vient par exemple à sa rencontre à Saint-Flour, le temps et le coût de l’essence sont ainsi partagés. Et comme le souligne Cyril : « C’est toujours plus sympa de papoter cinq minutes avec son producteur que de signer un bon de livraison à un chauffeur-livreur. »

© 180°C – Texte Philippe Toinard / Photographies Éric Fénot

Cyril Attrazic, l'Aubrac pour territoire

Cyril Attrazic – CHEZ CAMILLOU
10 route du Languedoc
48130 AUMONT-AUBRAC
Restaurant : +33 (0)4 66 42 86 14
Hôtel : +33 (0)4 66 42 80 22

 Reportage extrait de notre livre Les Incontournables 

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