Un pied sur terre, un autre dans l’eau, la tête dans ses deux étoiles, Alexandre Couillon le généreux propose une vision éphémère, volatile et sensible de la cuisine dans un ouvrage renouvelant, secouant même, le genre convenu du « livre de chef » ! À découvrir…
Livre ou œuvre ? Il y a les livres, il y a les ouvrages et, quelques fois, les œuvres… Dans l’exercice convenu du « livre de chef », toutes les formules semblaient avoir été déjà tentées : le didactique, le sérieux, le sincère, l’impressionnant, le volumineux, le péremptoire, le définitif parfois… Et trouver une autre voie tenait à la fois du défi éditorial comme de la prouesse culinaire, textuelle et photographique. Une alchimie mystérieuse a été trouvée avec le titre Marine et Végétale du chef Alexandre Couillon.
Le chef éclipsé par son Art…
Le livre de chef est comme l’Enfer : pavé de bonnes intentions et le péché capital du genre se résume dans les formes plus ou moins supportables de l’infatuation. Marine et Végétale est bien le livre d’un chef, d’une personnalité forte et impliquée mais qui, tout en étant omniprésente, réussit le pari impossible de s’éclipser derrière son art : la cuisine. Le maître donne sa leçon, mais c’est bien le cours qui se donne à voir, à lire et à déguster… L’homme, lui s’efface… Trop modeste ?
Figer la fugacité de la cuisine sur du papier ?
La différence, l’identité de ce livre avec beaucoup de ses semblables tiennent, probablement, à la nature profondément spontanée du propos dont on devine par ailleurs la somme de travail nécessaire. L’art d’Alexandre Couillon respire l’instantanéité, et c’est cette fugacité même de la cuisine qu’ont su faire vivre Jacky Durand (texte) et Laurent Dupont (image) dans leur récit puisque Marine et Végétale est bien une Geste à sa magie éphémère ! L’éditeur, maitre d’œuvre de ce prodige a su, en outre, marier à ce fond sensible la grâce d’un objet magnifiquement imprimé et façonné. Livre d’art autant que d’art culinaire, Marine et végétale est donc à la fois un voyage et une vision éditoriale de l’objet « cuisine », lui ouvrant de nouveaux champs d’expression. Les râleurs (et les fans !) auraient aimé plus de 30 recettes pour les 42 euros du titre ? Parfois « less is more », la qualité comme la concision sont plus intéressantes que la quantité, et la cuisine, comme disait le grand Chapel « c’est beaucoup plus que des recettes »…