Bienvenue dans le ventre de Nîmes, la halle et ses étals colorés, un délicat brouhaha comme musique de fond, des allées bouillonnantes de vie rythmées par le ballet des chalands qui vont et viennent le caddie ou les bras chargés de victuailles… Un réservoir de bons produits au coeur duquel le chef Emmanuel Leblay a choisi de s’installer pour y proposer une gastronomie de comptoir, auquel nous sommes justement venus nous accouder. À La pie qui couette – c’est le nom du restaurant – ce sarthois d’origine se fend d’une cuisine authentique et généreuse, sans fioritures, pensée autour de l’écosystème qu’il a su tisser avec ses voisins, primeurs, bouchers, poissonniers, crémiers…
Confortablement perché sur l’une des 25 chaises hautes qui montent la gardent le long du comptoir – il est alors midi – on profite tout à la fois des derniers balbutiements de la halle se vidant lentement de ses visiteurs, et d’un point de vue privilégié sur ce qui se trame du côté de la cuisine de La pie qui couette.
Une sympathique tranche de vie en guise de mise en bouche car de l’autre côté du comptoir justement, Emmanuel Leblay prend les commandes, salue chaleureusement les habitués, réceptionne les produits, conte l’histoire du vin dont il vient d’emplir votre verre avant de s’en retourner surveiller une cuisson. Il a l’âme d’un aubergiste, vous accueille d’un large sourire avec une simplicité qui ferait presque oublier que le garçon a tutoyé les étoiles en travaillant auprès de grands noms comme Alain Sendenrens, Alain Passard ou encore Christian Villers.
Un temps restaurateur à Avignon, Emmanuel Leblay s’éprendra des charmes de la halle nîmoise, son authenticité, le parfait écrin pour la cuisine qu’il voudrait proposer.
C’est donc au coeur de cet immense garde-manger qu’il s’installe en 2014 et tisse patiemment un réseau de voisins-fournisseurs de beaux produits, de saison, dont la disponibilité rythme sa carte.
Au choix, on peut s’accouder au comptoir et profiter ce jour là de quelques belles asperges glanées chez le primeur d’à côté et snackées à la plancha, ou d’une jolie assiette de Piemientos del padron frits au sel de Camargue. Incontournable spécialité nîmoise : la brandade de morue aux citrons confits d’Emmanuel est un petit bijou de délicatesse et de légèreté dont il ne faudrait surtout pas se priver. Le secret du chef : une émulsion à l’huile d’olive…
Pour escorter ces petites réjouissances, une carte des vins qui fait la part belle aux petits domaines, vins d’auteur et autres pépites que le patron a su dénicher.
On passe aux choses sérieuses au moment d’attaquer les caves de maturation du chef ! Limousine, Aubrac, Salers, charolaise et blonde d’Aquitaine entre autres, de splendides pièces de boeuf glanées chez son voisin boucher La ferme du Cantal patientent en chambre avant de repasser entre ses mains en cuisine.
Emmanuel Leblay tient à maîtriser personnellement le processus d’affinage de ses viandes, achetées en-dessous de 30 jours puis maturées jusqu’à 90 jours, selon les races. Hygrométrie réglée à 85%, température stabilisée à 1,2°C, filtre à charbon, du sel de l’Himalaya pour purifier l’air, c’est ce qu’on appelle une « maturation à sec », un procédé rigoureux, exigeant, permettant à la viande de développer sa typicité, son arôme.
Plus une viande est persillée – comprenez piquée de gras intra-musculaire – meilleure elle sera en fin de maturation, le gras étant un fabuleux exhausteur de goût.
Le roulement parfaitement organisé entre les pièces arrivant en fin d’affinage, celles demandant encore un peu de garde et les dernières à entrer en cave, doit permettre de servir les demandes au comptoir. Le weekend, ce sont parfois jusqu’à 20 côtes de boeuf qu’il faut être en capacité de servir !
Au rayon des best-sellers La pie qui couette, on trouve aussi le tartare de Salers coupé au couteau et un admirable burger préparé lui aussi avec un haché de salers habillé de saint-nectaire coulant, accompagné de ses frites fraîches de Camargue, d’un ketchup maison, coleslaw, oignon doux des Cévennes…
La pie n’oublie pas non plus les becs sucrés avec une volée de desserts de saison. À la carte en ce moment : pavlova aux fruits rouges frais, compotée d’abricot au romarin, un énigmatique Bergamangue… Et pour les moins audacieux une mousse au chocolat 70%, sans sucre !
Tout un programme qui fait assurément de cette pie qui couette le phénix des hôtes de cette halle.
La pie qui couette – Emmanuel Leblay
Halles centrales
rue Guizot – Nîmes
04 66 23 59 04
Fermé le lundi et le soir
Entrées: 9-18 euros
Plats: 19-25 euros
Desserts : 8-12 euros