Oubliez vos préjugés : la cuisine de Fukushima est bonne, variée, et même drôle. Portrait gastronomique d’une région qui gagne à être connue au restaurant traditionnel Takino, à Aizuwakamatsu.
La préfecture de Fukushima au Japon souffre depuis 2011 d’une mauvaise image, suite au tsunami qui a déclenché une catastrophe nucléaire. On en oublie, si on l’a su, que ce département est vaste et varié, et que sa partie occidentale – la plus éloignée de la fameuse centrale -, la région d’Aizu, a une riche histoire. C’est l’une des plus anciennes provinces du Japon, qui a développé sa culture propre et ses traditions culinaires. C’est aussi une zone où la nourriture est parfaitement saine à manger, comme le prouvent les tests désormais réalisés sur tous les aliments au Japon, avec des standards d’ailleurs bien plus stricts qu’en Europe.
Wappa-meshi, le riz garni servi dans une boîte en bois
Aizuwakamatsu, la capitale de la région d’Aizu, est une petite ville charmante remplie de temples, de maisons de samouraïs et d’arbres fruitiers dans les jardins ; contrairement à beaucoup de villes japonaises, elle a gardé ses ruelles tortueuses d’origine, et au détour de celles-ci, un restaurant qui était il y a 250 ans un gîte d’étape pour les seigneurs locaux sur la route d’Itozawa. Ce restaurant, c’est Takino, le garant de traditions culinaires locales assez géniales, tenu par Madame Baba. Sa grande spécialité, c’est le wappa-meshi, du riz servi avec toutes sortes de garnitures dans une boîte en cyprès japonais, un bois précieux dont l’odeur délicate se reconnaît immédiatement. La boîte sert à cuire à la vapeur le riz et les ingrédients qui le recouvrent ; on ajoute ensuite un fond pour pouvoir la servir à table, et cela donne un plat très joliment présenté. On peut choisir de goûter un peu de tout, ou opter pour un wappa-meshi de monomaniaque uniquement au saumon, au crabe, aux champignons, aux légumes sauvages…
La bonne soupe au gluten
On a aussi de la soupe, appelée kozuyu ; c’est un bouillon clair à base de noix de Saint-Jacques séchées, dans lequel on ajoute des carottes, du taro, des nouilles de konjac, des champignons et du mame-fu, des petites billes rigolotes, un peu spongieuses, qui sont en fait des boules de gluten. Si si, du gluten pur, un pilier de la cuisine japonaise. Pourtant, celle-ci est souvent présentée en Europe justement comme une cuisine “sans gluten” simplement parce qu’elle est riche en riz… Quelle bonne blague. Mais revenons au kozuyu : c’est un plat de fête dans la région, servi pour le Nouvel an ou les mariages, car il permet de commencer sous de bons auspices.
Comme sur toute table japonaise qui se respecte, il y a également des tas de petites choses à admirer et à déguster chez Takino, dont une délicieuse spécialité locale : le hareng fermenté aux feuilles de sanshō, le “poivre” japonais que l’on récolte au printemps. Le poisson s’avère bien plus doux qu’il n’y paraît, avec une mâche agréable et les arômes acidulés caractéristiques du sanshō. Puis viennent les légumes grillés au miso, le calmar séché aux carottes, la tempura, la peau de lait de soja… Tout ou presque est servi dans des bols laqués, la laque d’Aizu étant l’une des plus réputées du pays.
Manger ses nouilles avec un poireau
Mais le clou du spectacle, le plat le plus fou, le plus drôle de la région d’Aizu, c’est un bol de nouilles de sarrasin qu’on appelle negi soba. Soba, c’est le nom des nouilles (par métonymie, au départ ça signifie sarrasin), et negi, ça veut dire ciboule/poireau, donc on s’attend à avoir des nouilles avec de la ciboule ciselée, un classique au Japon. Sauf qu’ici, on vous sert les nouilles avec un poireau entier posé dessus, et pas de baguettes. Le but du jeu étant de manger ses soba avec son poireau en guise de couverts, en le croquant au fur et à mesure. Si vous imaginez un poireau doux, non, c’est loupé : il arrache, il faut bien le doser, tout en essayant de ne pas mettre des nouilles partout. Cette dégustation finit généralement en fou rire.
Pour s’amuser un peu, manger des bonnes choses à prix très raisonnable et découvrir la région – sans risque, promis -, c’est par là :
Restaurant Takino
5-31 Sakae-machi
Aizuwakamatsu-shi
965-0871 Préfecture de Fukushima