Michel Guérard, entre mots et mets

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"Mots et mets" - © 180°C Photographie Olivier Pascuito

Le livre de cuisine, pour un grand chef, est souvent un exercice obligé répondant aux canons du genre et laissant souvent le lecteur au bord de l’indigestion… Mais quand l’esprit prend la main, quand l’humour sert la saveur, quand la tendresse couve chaque recette, on parcourt la cuisine comme un conte philosophique et on en ressort léger et plus heureux.

Abécédaire
De la lettre « a » annoncée comme première de l’alphabet, à « z » comme zeste de caviar, une jubilation teintée d’un esprit à la Joseph Delteil, qui ne quitte jamais les lignes et emporte le lecteur dans un univers aussi chatoyant que la cuisine de son auteur… Prenez quelques exemples : « bœuf, mammifère ruminant, eunuque, ombrageux, misogyne et indécrottable ! Chance : forme laïque du miracle ! Chapelure : poudre à éternuer à gros grains ! Délicat : adjectif désignant un plat sans relief ! Eau : liquide naturel, incolore, transparent, de belle indigence aromatique ! » Etc, etc..

Drôles de recettes
Les recettes que nous donne Michel Guérard répondent bien à la définition du genre : une formalisation fiable de proportions et de gestes techniques organisés selon des séquences opérantes. Mais, indépendamment de leur rigueur technique, de leur inspiration, le supplément d’âme qu’on y trouve vient du fait qu’elles sont aussi (et surtout) des micro-récits, tantôt drôles, tantôt poétiques… Mais toujours proches, et qui abolissent la relation verticale classique du « sachant » (le chef) dispensant son savoir vers l’ignorant (le lecteur). Connivence et complicité, tels sont les véritables ingrédients de ces recettes !

Enfances du chef
C’est dans une langue pleine d’empathie que Michel Guérard se dévoile, un peu, lui et ses enfances dont on voit bien qu’elles furent assez heureuses, malgré l’extraordinaire dureté des temps d’après-guerre. De Vétheuil jusqu’au Lido, au Pot-au-feu d’Asnières et les Prés d’Eugénie, l’enfance justement n’a jamais vraiment quitté ce découvreur « habité par une soif de voyage à la Philéas Fogg ». L’Australie, les Etats Unis et même la Chine de la fin des années 70, autant de destinations pudiquement évoquées et dont on voudrait bien savoir plus…


Mots et mets
textes Michel Guérad
Illustrations Guillaume trouillard
Edition du Seuil et Sud-Ouest, 144 pages, 17 euros
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