L’anémone de mer frite est un classique de la cuisine populaire du littoral dans les pays méditerranéens. Mathieu Allinei, chef du Bistrot du Port à Golfe-Juan, nous montre trois façons de procéder pour en faire des super beignets.
La première fois qu’on voit une anémone de mer, on se demande s’il s’agit d’une bestiole ou d’une plante. On dirait une grosse fleur marine aux pétales agités par le courant, ce qui lui vaut son nom – mais elle ressemble plus à un chrysanthème qu’à une anémone, si vous voulez mon avis. Alors, animal ou végétal ? La réponse est simple : les deux, mon capitaine. Plus exactement, il s’agit d’un animal, mais avec certaines caractéristiques génétiques typiques des plantes.
Des cuisines des mémés aux restaurants gastronomiques
Que la chose soit végétarienne ou non, elle se pêche et se mange toute l’année. C’est un produit apprécié sur le pourtour méditerranéen, mais aussi en Asie, principalement en Chine, aux Philippines, au Japon et en Corée. En Provence, comme en Espagne, en Sicile et dans d’autres coins, on l’aime surtout en beignets. Chez nous, ce plat ancestral se perd un peu de nos jours, mais il existe sous des formes élaborées dans certains restaurants gastronomiques, comme Le Petit Nice de Gérald Passedat à Marseille ou chez Alain Ducasse au Plaza Athénée.
À Golfe-Juan dans les Alpes-Maritimes, nous avons un spécialiste du sujet, Mathieu Allinei, le chef du Bistrot du Port. Il s’amuse beaucoup avec tous les produits que lui ramènent les pêcheurs, de la sériole maousse au concombre de mer. Pour nous, il revient sur les recettes des beignets d’anémones pratiquées traditionnellement par les mémés du cru, et nous montre la sienne, bien complexe comme il faut.
Préparer la bête, méchamment urticante
Les anémones de mer vertes – Anemonia viridis – lui sont livrées par un pêcheur du Var, Olivier Bardoux, qui se trouve aussi être le fournisseur du Plaza Athénée. Elles arrivent vivantes dans des sacs plastiques remplis d’eau de mer – ces invertébrés n’ont besoin que de peu d’oxygène pour survivre et peuvent rester comme ça un moment.
Comme leurs tentacules sont urticants, la première chose que fait Mathieu, c’est de les plonger très rapidement dans un bain de vinaigre de vin qui règle le problème. Elles sont ensuite rincées, égouttées et prêtes à être cuisinées.
Méthode n°1 : beignet simple à la farine
La première méthode, qui est la plus largement répandue en Espagne, est de simplement fariner les anémones et de les frire à la poêle dans un fond d’huile. Pour plus de goût et plus de joie, Mathieu ajoute une noix de beurre. Ça crépite et tous les ingrédients ont l’air très contents.
Quand les beignets sont bien dorés, il les sale légèrement – l’anémone est bourrée d’iode mais finalement bien moins salée qu’on ne l’imagine. Sous l’enveloppe craquante, on trouve un cœur tendre et un peu croquant qui rappelle l’huître crue, on mange la mer du bout des doigts. C’est encore meilleur accompagné d’un condiment au citron confit et de quelques pousses de criste marine. Miam.
Méthode n°2 : anémones en pâte à beignets
En Provence, il y a deux écoles : l’anémone simplement farinée ou plongée dans une pâte à beignets. La deuxième option est moins craquante, mais plus croustillante et soufflée. C’est très différent, visuellement et en bouche, mais tout aussi bon. La pâte à beignets se compose de farine, d’un peu de lait, de bière et/ou de levure. Mathieu ajoute une pointe de safran, pour le goût et la couleur.Passage rapide dans la farine, puis dans la pâte très fluide, et hop, dans la friteuse, en arrosant continuellement les beignets pour qu’ils gonflent joliment. Là, il les sert avec juste un peu de fleur de sel. C’est aérien et moelleux à cœur, miam encore. On devrait se faire ça pour l’apéro plus souvent.
Méthode n°3 : anémones de mer soufflées
Puis on passe aux choses sérieuses, et on attaque la recette des anémones soufflées que Mathieu propose à la carte depuis l’hiver dernier. Elles sont coupées en deux et déposées entre deux très fines couches de pâte à pain afin de former des petits ravioli – ou plus exactement des agnolotti. Ces petits disques de pâte fourrés à l’anémone sont congelés pour assurer une tenue impeccable, puis passés dans une pâte à tempura safranée. Là encore, Mathieu les frit dans l’huile bien chaude et les arrose sans cesse pour les souffler. On obtient des petites sphères dorées. Il y a toutes les textures là-dedans : du craquant à l’extérieur, du croustillant, du moelleux, du croquant, du juteux. C’est dense et aéré à la fois, riche et léger, fort en goût et plein de douceur. Miam toujours. Ces petites boules dont on ne fait qu’une bouchée ont demandé un travail de cinglé et la mobilisation totale de trois personnes pendant une matinée entière – bisous à Harouna et Morgan, soit dit en passant. Les enfants, n’essayez pas ça chez vous, vous allez mourir. Mais si vous passez par le Sud-Est, Mathieu se fera un plaisir de vous les faire goûter.
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Le Bistrot du Port
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