Avec 800 000 tonnes épandus chaque année sur notre planète, 8000 tonnes rien qu’en France, le glyphosate, c’est non seulement l’herbicide le plus utilisé dans le monde, mais c’est surtout le cas d’école le plus flagrant du travail de sape des lobbyistes.
Pensez ! Quand on a une pareille boîte à cash, on ne la lâche pas comme ça. Du coup, nos chers industriels espéraient l’an dernier, et sans grande inquiétude d’ailleurs, nous faire passer une prolongation de 15 ans de ce pesticide sur le sol européen ! Mais, c’était sans compter la mobilisation citoyenne ! Du coup la Commission, s’est dit, bon, 15 ans ça ne passe pas, on va essayer 9 ? Ca n’est pas passé non plus. 18 mois alors ? Non plus. Pourtant, et contre l’avis des Etats membres, cette prolongation de 18 mois a été actée… Il faut dire que sans cette intervention de la Commission, le glyphosate aurait été de facto interdit dans toute l’Europe. Impensable pour les industriels !
Statuer sur la molécule ou sur le produit commercialisé ?
Pourquoi 18 mois de sursis ? Pour que l’agence européenne des produits chimiques ait le temps de donner son avis… Mais pourtant, le Centre international de recherche sur le cancer (le CIRC), l’agence de l’Organisation Mondiale de la Santé, l’avait classé comme cancérogène probable pour l’homme en mars 2015… Oui, mais l’agence sanitaire européenne, elle, avait conclu l’inverse ! Comment est-ce possible ? Le CIRC ne considère que les études scientifiques publiées dans des revues à comité de lecture, quand l’agence européenne prend en compte les études non publiées des industriels. Pis. Le CIRC étudie le produit tel qu’il est vendu dans le commerce (et auquel nous sommes donc exposés) alors que l’agence européenne, ne considère que la molécule active… Molécule bien moins toxique sans les adjuvants utilisés dans sa formulation commerciale, cqfd.
Soupçons de conflits d’intérêt en Europe…
Résumons, l’agence européenne prend en compte des études fournies par les industriels, et ne considère que la molécule plutôt que la composition totale du produit et… « Étonnamment » (!) trouve qu’il n’y a aucun problème avec l’herbicide.
Et qu’a fait l’agence des produits chimiques ? La même chose que l’agence européenne pardi ! À ceci s’ajoute un soupçon de conflits d’intérêt mis en avant par les ONG : certains membres du comité d’évaluation travaillaient opportunément pour l’industrie. Et quelle a été la conclusion de ce comité d’experts à votre avis ? Qu’il n’y avait pas de problème avec ce pesticide ! Le monde est vraiment bien fait…
Et aux États-Unis !
Et s’il n’y avait qu’en Europe, aux États Unis, c’est la même histoire. La justice américaine vient de rendre public des documents internes de la firme Monsanto montrant que ce géant des phyto avait bénéficié de connivences au sein de l’agence de protection de l’environnement… Agence censée rendre un avis sur la dangerosité de l’herbicide… Les Monsanto papers dévoilent également que depuis 1999, la firme avait identifié le potentiel mutagène de son produit phyto…
La fabrique du doute a encore de beaux jours devant elle.