Difficile de ne pas se prendre de sympathie pour Antoine Bergeron, dès la minute où on l’aperçoit. Il faut dire que le gaillard a le sourire, et une envie manifeste de partager sa passion, pour la cuisine et pour sa région. Rencontre avec un talent montant de la gastronomie française, qui a fait de son berceau natal la Source de toutes ses inspirations.
Dans la petite commune de Saint-Galmier, du côté de Saint-Etienne, l’hôtel la Charpinière fait depuis bien longtemps office d’institution. Mais depuis trois ans maintenant, le domaine jouit d’un prestige renouvelé grâce à la ferveur d’Antoine Bergeron, même pas 35 ans, et déjà un macaron sur la veste. L’histoire, c’est celle d’un enfant du pays, qui a voulu rendre à sa région natale les honneurs qui lui sont dus. Né à Cuzieu, à une poignée de kilomètres des cuisines dans lesquelles il officie aujourd’hui, le Chef n’a jamais eu le cœur de quitter ses terres ligériennes bien longtemps. Brillant à l’école, c’est au lycée qu’il choisit de se tourner vers la cuisine, et rejoint Gérard Charbonnier au Bougainvillier, vénérable table de la région, pour y faire son apprentissage. « C’est là que j’ai appris les bases du métier, et de ma cuisine telle que je l’imagine aujourd’hui. Alors que c’était la grande période du moléculaire, il allait à l’essentiel, avec authenticité, et toujours avec justesse ». Après un passage chez Sylvain Roux au Château Blanchard (1 étoile Michelin), il met le cap sur Valence pour se former à la pâtisserie sous la houlette de Philippe Rigollot chez Anne-Sophie Pic, puis officie dans les cuisines de Christophe Roure durant deux ans. Voilà donc l’enfant prodigue de retour au pays, avec la ferme intention de ne plus le quitter. Heureux hasard, le Domaine de la Charpinière cherche justement son nouveau chef de partie.
« À l’époque, il n’y avait qu’une seule cuisine pour les trois restaurants de l’hôtel : le gastro, le bistrot et le traiteur pour les séminaires. Il y avait une bonne base, mais on était assez loin de la qualité d’un étoilé Michelin ». Le jeune chef soumet ses idées, manifeste sa motivation. Au point de se voir confier, en 2017, la direction du restaurant gastronomique, sa cuisine et sa brigade dédiée. Il ne lui en faudra pas plus pour emmener La Source au panthéon des étoilés, seulement deux ans après sa prise de fonctions.
L’étoile, c’était mon rêve, il me la fallait. Avec l’équipe, on a bossé comme des dingues pour ça.
«La 2ème, on y travaille, si on peut y aller, on ira. Et je sais qu’on est encore meilleurs maintenant qu’en 2019, mais ça n’est plus une finalité. Aujourd’hui, ce qu’on fait, c’est pour le plaisir, pour valoriser notre terroir et donner envie aux gens de le connaître».
Car dans les cuisines d’Antoine Bergeron, c’est bel et bien la Loire – et plus largement sa région – qui sont au centre de toutes les attentions. Plus que des plats ou des menus, ce sont ainsi des « balades en terre ligérienne » que le Chef propose à ses clients, à travers une série d’assiettes qui mettent à l’honneur les petits producteurs de région.
Le cochon, qu’on retrouve déposé sur un sabayon de moutarde et des pickles d’oignons dans une entrée qui nous laissera un souvenir mémorable, ou décliné en carré maturé maison, est ainsi estampillé Bertrand Claveloux de la Ferme des Presles, petite exploitation familiale située à une quinzaine de kilomètres de là. Le sandre de la pisciculture de Font Rome s’accompagne pour sa part d’une crème de chorizo – lui aussi des Presles – et du chou frisé d’Aymeric Chatel, dont le jardin est situé à quelques minutes en voiture seulement. Citons également les escargots de Gilles Deléage, le lait de la ferme du Champ Vert, ou même les shiitakes d’Alexandre Poncet, à Grammond, que l’on retrouve en ravioles sur un consommé menthe-champignons. « Il vient du même village que moi, c’est passionnant de le voir travailler, il est toujours en évolution. En ce moment, il travaille à créer ses propres substrats pour être complètement auto-suffisant. C’est une chance d’avoir des gens passionnés et talentueux comme lui juste à côté ! », explique le Chef.
« Plus globalement, c’est une chance d’avoir la possibilité de trouver tous ces produits d’exception en quelques minutes de voiture. Quand j’ai commencé à la Source, j’ai commencé à partir d’une feuille blanche, mais j’ai immédiatement eu envie de me constituer un petit réseau de fournisseurs en circuit court, et de mettre en avant leurs produits dans mes assiettes. ».
Moi, je veux sublimer leurs produits, et eux font des produits pensés pour être sublimés.
À l’heure où aucun restaurant n’omet de vanter les liens profonds noués avec les petits producteurs de région, on lit dans la cuisine et le regard d’Antoine Bergeron une sincérité que beaucoup pourraient lui envier. « Ce qui m’intéresse, ça n’est pas de raconter une belle histoire, mais de raconter une histoire vraie. Celle de mon terroir, de mon pays, et de tout ce que ça signifie. Si c’est pour essayer d’embellir la vérité, autant se taire ». Une authenticité qui se lit aussi bien dans la petite motte de beurre du Jura qui accompagne le pain brioché au Gamay mis au point avec un copain boulanger, que dans un suprême de volaille à la Grenobloise suprêmement tendre, accompagné de petits paninis garnis à dipper, qui rappellent que le respect du terroir n’exclut décidément pas l’inventivité. Bref, la Charpinière, à Saint-Galmier, dans le village des sources de Badoit entourées de verdure, est l’adresse toute trouvée de votre prochaine destination gourmande pour un week-end nature !
Texte de Mathilda Panigada