À Maubreuil, l’Odyssée nantaise de Quentin Gallouédec

À Maubreuil, l’Odyssée nantaise de Quentin Gallouédec
© Château de Maubreuil

Tout, à Maubreuil, appelle au voyage. Ses jardins plantés d’arbres exotiques, ses chambres thématiques, qui invitent tour à tour en Russie, en Birmanie ou en Afrique, ses objets chinés et multiples curiosités… Mais aussi son restaurant gastronomique. Menée par le morlaisien Quentin Gallouédec, la table de cet hôtel de Nantes se fait ainsi le relai d’une excursion autour du globe, avec un ancrage marqué au cœur du terroir de Loire-Atlantique. Rencontre avec un jeune chef prometteur qui a su faire bon escient de ses pérégrinations, pour offrir une nouvelle lecture de la gastronomie, sans jamais occulter le produit de région.

Quentin Gallouédec, tout d’abord, pouvez-vous nous raconter comment vous est venue cette passion de la gastronomie ?

Quentin Gallouédec : Sans grande surprise, c’est quelque chose que j’ai hérité de mes parents, qui ont toujours aimé aller au restaurant, recevoir des amis… Pour moi, la cuisine a toujours été quelque chose de convivial, de fédérateur, c’est donc tout naturellement que je suis tombé dedans.

Votre carrière en tant que chef est marquée par les voyages, pouvez-vous nous retracer les grandes lignes de votre parcours ?

Q.G : J’ai commencé par une formation au lycée hôtelier de Saint Brieuc, puis j’ai intégré le restaurant Anne de Bretagne, sous la direction des chefs Michèle et Philippe Vétélé, pour y faire mon apprentissage. Un poste s’est libéré et j’ai été nommé Chef de partie. Mais au bout de deux ans, j’ai commencé à avoir des envies d’ailleurs… J’ai d’abord mis le cap sur l’Irlande pendant plusieurs mois, puis sur l’Australie, où j’ai intégré le restaurant Estelle de Scott Pickett à Melbourne, pendant près de 8 mois. Puis direction la Nouvelle-Zélande, où j’ai rejoint le Relais & Châteaux Huka Lodge, du côté de Taupõ. J’y suis resté 2 ans.

Maubreuil Quentin Gallouedec
Le chef Quentin Gallouédec – © Château de Maubreuil

Au mois d’avril, retour en France. Comment se déroule l’arrivée à Maubreuil ?

Q.G : C’est une connaissance du restaurant Anne de Bretagne qui me contacte pour me parler du projet. Je rejoins alors les équipes du château en tant que second de cuisine. À l’époque, Philippe et Virginie (les propriétaires du château, ndlr) avaient opté pour un format de chefs en résidence, pour offrir aux voyageurs un aperçu des différentes cuisines du monde, dans la continuité de ce qui est proposé au sein du château. Mais on s’est assez vite rendu compte que c’était difficile de parvenir à transmettre exactement la volonté de chaque chef… On a donc choisi de revenir sur un format plus classique, et j’ai été promu chef exécutif.

Maubreuil Quentin Gallouedec
Château de Maubreuil vu des jardins. À droite, l’intérieur du restaurant – © Château de Maubreuil

En septembre, vous signez votre première carte pour Maubreuil, et on ne peut s’empêcher de remarquer de nombreuses inspirations asiatiques. D’où vous viennent ces influences ?

De toutes les rencontres que j’ai pu faire, notamment à Melbourne et en Nouvelle-Zélande. J’ai eu la chance de travailler avec beaucoup de passionnés, venus du monde entier, et forcément, ça a influencé ma façon de voir les choses. En cuisine, on apprend beaucoup les uns des autres, notamment en termes de technique, de savoir-faire, etc… Il n’y avait pas forcément de volonté de traduire ces savoirs quand j’ai construit la carte, mais je pense que ça s’est fait naturellement. C’est la façon dont je conçois la cuisine maintenant ! (rires).

Justement, quand vous élaborez votre carte pour Maubreuil, quel est votre fil conducteur ?

Au risque de manquer d’originalité, la première volonté, c’est surtout celle de faire du local. Ça n’est pas une question de mode, mais on sait que les gens nous regardent, et qu’il y a une urgence à consommer plus local, à s’adapter au rythme de la nature et des saisons. La seconde, c’est de faire écho au thème du voyage qu’on retrouve partout dans le château, en proposant une véritable expérience aux clients.

Et plus concrètement, comment se traduit cette vision ?

Par la mise en valeur du produit brut, tout simplement. Je veux qu’on comprenne ce que je fais goûter, pas saturer l’assiette avec trop d’éléments qui emportent le goût du produit. Quand je travaille la courge en entrée, ce que je veux mettre en avant, c’est son parfum, son petit goût de noisette qu’on vient souligner avec une sauce acidulée, mais qu’on ne va pas noyer sous les épices, ou essayer de remplacer ! Idem pour le maquereau, qui est déjà un produit qui a du caractère. Je le travaille avec des lanières de concombre, pour rajouter de la fraicheur, et une émulsion de fleur de sureau, qui va apporter de la rondeur aux saveurs salines et très prononcées du poisson.

Maubreuil Quentin Gallouedec
L’une des réalisations du chef : le maquereau en 3 services – © Château de Maubreuil

Et parmi tout ça, est-ce qu’il y a un produit que vous aimez particulièrement travailler, ou un plat signature ?

Il est encore un peu tôt pour parler de plat signature, mais je me rends compte que j’aime de plus en plus travailler le légume. En Nouvelle-Zélande, on doit répondre à une demande croissante en matière d’offres végétariennes et véganes. Ce qui était une petite guerre au début a fini par se transformer en opportunité, parce que ça nous pousse à explorer différentes variétés, à travailler sur des accords nouveaux, et à pousser au maximum le goût du légume. En ce moment, à la carte, on retrouve une belle entrée autour du topinambour, qui était un peu oublié et qu’on essaie de remettre au goût du jour dans une variation de saveurs d’automne, associé à des marrons et du raifort.

Pour revenir au sujet du local, comment sélectionnez-vous les producteurs avec lesquels vous travaillez ?

Quand je suis arrivé, avec mon second de l’époque, on a fait en sorte d’étoffer un peu le réseau de fournisseurs. On a fait marcher les connaissances, on a interrogé les collègues, on a fouillé un peu ! Dans la région, on a l’embarras du choix en matière de qualité, il suffit de chercher. Avec les fournisseurs, comme en cuisine d’ailleurs, je crois beaucoup au dialogue. On les rencontre, on les fait venir au château, on échange sur leur méthode de travail, et si ça matche, on avance !

Après, il y en a certains avec lesquels on a tissé des liens particuliers. Par exemple, il y a une petite clinique à quelques centaines de mètres d’ici, qui possède un assez grand verger. Ils nous fournissent pas mal de choses, ce qui nous permet vraiment de proposer au client une cuisine de proximité.

D’ailleurs, il y a aussi un gros projet qui se prépare au fond du jardin…

Absolument, Martin Rousse, le fils du propriétaire, est en train d’orchestrer un large projet de potager permacole, qui aura pour but de fournir le restaurant en fruits, légumes, herbes aromatiques etc. Pour le moment, on n’a que quelques fruits qu’on présente sur le buffet du petit-déjeuner, et des herbes aromatiques, qu’on essaie d’utiliser dans les plats proposés au restaurant. Par exemple, on a créé un dessert autour de la pomme gala, crue et cuite, et aromatisée avec de la tagette, qui est une herbe que je n’avais jamais travaillée. Ça donne un dessert très frais, à la fois sucré et acidulé, très intéressant.

Maubreuil Quentin Gallouedec
Le potager du château – © Château de Maubreuil

On échange beaucoup pour planifier ce qui va être planté, et comment on va l’adapter à la carte. Martin a fait beaucoup de recherches sur des plantes qu’on ne trouve pas forcément partout. Ce qui est drôle, c’est que pour l’instant, on a de la coriandre vietnamienne, mais pas de persil (rires) !

Est-ce qu’il y a des Chefs que vous admirez particulièrement, ou des rencontres qui vous ont inspiré ?

Côté cuisine, j’admire beaucoup Yannick Alléno et sa vision moderne de la gastronomie. Sur l’aspect humain, j’ai beaucoup appris auprès de Scott Picket en Australie. A cette époque-là, il était en train d’ouvrir un nouveau restaurant, et malgré le stress, il est toujours resté très humain, toujours prêt à échanger, à conseiller. Idem avec Paul Froggatt au Huka Lodge. J’ai eu la chance de tomber sur des chefs durs, mais justes, et ça fait toute la différence. Ce sont ces personnes qui ont défini la personne que je voulais devenir en cuisine. C’est un métier dur, et si on veut le préserver, ça passe forcément par de l’humain. Si vos équipes font leur boulot la peur au ventre, c’est que vous avez tout raté.

Aujourd’hui, où est-ce que vous souhaiteriez amener Maubreuil dans le paysage gastronomique français ?

Évidemment, rentrer dans le Michelin serait un beau succès. Pour le château, pour les équipes et pour moi. Mais je ne veux pas me mettre la pression sur ce sujet pour le moment, surtout dans le contexte actuel. La priorité, c’est de maintenir le standing du château, en restant très cohérent avec l’offre hôtelière. Proposer un voyage, une expérience et une émotion au client.

Texte de Mathilda Panigada 

À Maubreuil, l’Odyssée nantaise de Quentin Gallouédec

Château de Maubreuil
Allée de Maubreuil
44470 Carquefou – France
02 21 70 03 70 // conciergerie@chateaudemaubreuil.com
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