La farine de noisette de Jacques Leandri

En goguette dans l’Alta Rocca, en Corse-du-Sud, on est allé voir derrière des murs couverts de papier. C’était bien et bon.

Il était une fois une noisette
Des feuilles A4 – photos, anecdotes, tarifs, recettes de cuisine – ornent les pierres d’un petit immeuble du village de Sainte-Lucie-de-Tallano. Inutile de chercher les horaires d’ouverture de cette échoppe insolite : Jacques Leandri, le capitaine des lieux, vient au petit bonheur ou quand on lui téléphone, à moins qu’il ne soit à l’œuvre dans son moulin ou occupé dans une oliveraie. Bonnet bleu au sommet du crâne et lunettes roses sur le nez, il ouvre aujourd’hui illico les portes de son joyeux bazar. Derrière l’élégante érudition qui déroule la mémoire corse d’une vie de paysan, un air d’indépendance buissonnière anime les yeux et les mots de celui dont les productions s’entassent dans un fatras de cartons. Ici, pas de logo AOP ou de plaquette officielle déclinant les arguments officiels des produits locaux labellisés : Jacques Leandri fait de l’insulaire quand c’est possible – ou rentable –, mais achète aussi des matières premières cosmopolites qu’il sélectionne et transforme avec soin. On a opté pour la farine de noisette, un produit difficile à débusquer même dans les épiceries biologiques.

Faute d’olives, on mange de la farine
Jacques Leandri est d’abord producteur d’huile d’olive, un métier qu’il pratique essentiellement à l’ancienne, avec des olives tombées par chute naturelle. Pour diversifier ses revenus, notamment les années sans olives – ses arbres, qui ne sont pas taillés ni irrigués, ne donnent des fruits qu’un an sur deux –, il presse au moulin des ingrédients variés, notamment des oléagineux. Les tourteaux, résidus solides de l’extraction, sont doucement déshydratés et réduits en une farine délicate, aux parfums profonds et subtilement cacaotés. On lui demande si les fruits viennent de Haute-Corse, où la culture du noisetier s’est fortement développée à partir du début du XXe siècle*. « Ça dépend », répond tranquillement cet agriculteur pragmatique, cultivant un flou artistique somme toute reposant en ces temps de frénésie de la transparence. On repart sur le continent avec une farine artisanale aussi mystérieuse que délicieuse, la tête remplie de l’histoire et des défis de la Corse agricole.

Comment utiliser la farine de noisette ?
En remplacement de la totalité ou d’une partie de la farine de blé, elle donne aux cakes, gâteaux, crêpes, crumbles ou biscuits une note pralinée à la fois douce et typée (à doser en fonction de la texture souhaitée : la farine de noisette ne contenant pas de gluten, plus on en met, moins la pâte est légère). Testés et approuvés : les cookies avec 50 % de farine de noisette par rapport au poids total de farine, redoutablement bons et giandujés. Inutile de diminuer la proportion de matière grasse : contrairement à la poudre de noisette, la farine est déshuilée.

*  Les producteurs ont obtenu une IGP « noisette de Cervione » en 2014

La farine de noisette de Jacques Leandri

– Jacques Leandri –
Moulin à huile d’Olmiccia, Sainte-Lucie-de-Tallano
Tél. 06 31 88 73 74

 

Plus d'articles de Mayalen Zubillaga

Garlic bread à l’ail nouveau en baguette accordéon

Recette Mayalen Zubillaga – stylisme Delphine Brunet – photo Éric Fénot –...
Read More