Avec 45 % du vignoble engagé dans des démarches de certification, le bordelais vit une mutation profonde, Pourtant la région utilise massivement les intrants.
Mercredi 20 janvier, le CIVB (Conseil Interprofessionnel des Vins de Bordeaux) présentait son rapport de développement durable 2015. Les enjeux déjà présentés en 2014 s’articulent autour de 4 points clefs : typicité, respect de l’environnement, économie des ressources naturelles et sécurité alimentaire… Cette volonté vertueuse s’inscrit également dans le contexte plus général du Plan Climat Bordeaux, visant à réduire de 20% les GES, la consommation d’énergie et d’eau. Les effets de cette mobilisation semblent déjà se faire sentir, puisque presque 45% du vignoble est engagé dans des démarches de certification (Demeter, Biodyn, AB, ou Haute Valeur Environnementale) et 35 % sont déjà certifiés.
Un vignoble exemplaire alors ? À voir…
Pourquoi une telle démarche ? De quoi le blason des vins de Bordeaux aurait-il encore besoin pour briller davantage ? Des considérations domestiques et environnementales, bien éloignées des salons de dégustation et autres cartes étoilées… Les enjeux sont de taille : le bordelais, plus vaste vignoble AOC de France, avec 15% de surface viticole nationale à lui seul, porte une part importante de la responsabilité environnementale de la « filière vin ». Le « premier » vignoble de France ne devrait-il pas être, sinon exemplaire, du moins vertueux quand on sait que la viticulture est le plus gros consommateur de produits chimiques ? Isabelle Saporta et Jonathan Nossiter ont déjà répondu à la question…
Des hôtels pour insectes ?
Ainsi donc, plusieurs chantiers sont ouverts en Bordelais nous dit-on. Pour la biodiversité on crée des hôtels non plus pour les vip mais… les insectes et on laisse (ô stupeur) la nature reprendre un peu de ses droits au milieu des rangs de ceps. Cela suffira-t-il pour ne pas épandre l’Enervin ? Ou le Polyram ? Dans un même élan, on travaille sur des cépages plus résistants aux maladies (pour limiter les fameux intrants) et surtout à la chaleur, réchauffement climatique oblige… Pour réduire l’empreinte carbone, c’est l’économie circulaire que toute la filière aspire à mettre en place : production, utilisation puis recyclage, avec notamment la valorisation des sous-produits de la vinification. Mais cela aidera-t-il à éliminer le Cantus, le Scala ou le Rovral ?
L’affaire de 2014 n’est pas oubliée…
Reste donc, entière, la vaste question environnementale et celle des intrants nommés encore ingénument « les médicaments de la vigne » que les docteurs en chimie ont administrés avec générosité des décades durant… « L’affaire » de 2014 a laissé des traces, (plus de détails ici).
Une enseignante et vingt enfants hospitalisés suite à un épandage dans le Blayais… Une prise de conscience serait-elle à l’œuvre ? Sans doute, et nous précisons ici que cette mutation en Bordelais date d’avant ce triste épisode. A voir et à suivre de très près, ce que nous ne manquerons pas de faire.
Réduire les intrants. Mais de combien ?
Toujours est-il que cette réduction des intrants est bel et bien un objectif même s’il n’est pas encore chiffré… Et à voir l’enquête d’Elise Lucet sur le sujet, la question est loin d’être réglée. Réduire les intrants en viticulture (sur la vigne, dans le sol) et ensuite dans le chai (en favorisant les procédés physiques plutôt que les stabilisants) vaste programme engagé dans d’autres régions viticoles, depuis fort longtemps, percolant vers le saint du saint des vins français… Dompter la nature par la force, faire reculer les nuisibles par la chimie, construire la typicité des vins par l’ingénierie ont été les fondamentaux d’une « industrie » poussée vers le « progrès » : la répétabilité, la maitrise, la standardisation. Mais les temps ont changé, les goûts, aussi avec le désir des amateurs de mieux comprendre ce qu’ils boivent, de connaitre l’envers du décor et d’inclure dans leur expérience, l’histoire même de leur boisson favorite jusqu’à celle de ceux qui la produisent. La question environnementale s’est aussi invitée et consommer des vins dont on sait que le sol est accablé par les pesticides, fongicides, insecticides ne va « plus de soi » comme jadis. L’approche plus globale de nombreux producteurs (bordelais inclus) qui ont complètement repensé leur métier est aussi passée par là, réinventant et le métier et la manière d’aborder le vin, de part et d’autre de la bouteille. Le vignoble bordelais en pleine révolution culturelle ? A voir… Alors à quand le premier flacon de Cheval blanc… labellisé en bio ? ! Peut-être pas pour demain, la preuve !