Description
Coulisses de campagne
Coulisses de campagne
A-t-on parlé d’alimentation pendant cette campagne présidentielle ? Pas vraiment ! A-t-on abordé l’avenir du monde agricole ? À peine, excepté durant le Salon de l’agriculture où les candidats se sont empressés d’aller tâter de la croupe, de la crête, du groin et du crin pour flatter des agricultrices et agriculteurs désabusés ! A-t-on amorcé un débat autour du respect de l’environnement ? Très peu ! Même si les programmes développés sur les sites Internet des candidats permettaient d’en savoir un peu plus sur leurs engagements, les thèmes que sont l’alimentation, l’agriculture et l’environnement étaient, en revanche, rarement évoqués dans les meetings et les interviews dominés par l’insécurité, l’immigration et le pouvoir d’achat. Et, lorsqu’ils l’étaient, soit ça retombait comme un soufflé soit ça donnait naissance à des polémiques. Ainsi qu’ont pu le constater Yannick Jadot d’Europe Écologie-Les Verts ou Fabien Roussel du Parti communiste.
Le premier a tenté d’en parler, mi-février, sur BFM TV. Mais, à peine avait-il évoqué notre « énorme problème de malbouffe » qu’il avait été coupé par une journaliste désireuse de savoir s’il arrivait à faire du sport pendant la campagne et s’il était du genre à se faire prendre en photo en jogging… Yannick Jadot réussira tout de même à parler des lobbies de l’agro-industrie et des combats menés par les écologistes depuis plus de quarante ans pour une meilleure maîtrise de notre alimentation.
Le second, – un des rares à avoir fait le choix de parler d’alimentation et d’agriculture en soulignant que « manger, en France, c’est sacré, et, bien manger, c’est une question importante » –, s’est retrouvé au coeur d’une polémique totalement loufoque. Invité de Dimanche en politique sur France 3, le 9 janvier, Fabien Roussel est interpellé pour donner son avis sur le prix de la personnalité 2022 remis à Emmanuel Macron à l’occasion des Trophées du vin organisés par nos confrères de La Revue du vin de France. S’il ne trouve rien à redire à cette récompense, il enchaîne avec : « Un bon vin, une bonne viande, un bon fromage, pour moi, c’est la gastronomie française, mais, pour avoir accès à cette bonne gastronomie, il faut avoir des moyens (…), il vaut mieux boire peu, mais du bon, manger moins de viande, mais de la bonne, boire français et manger de la viande française. Mais il faut surtout que tout le monde y ait accès, parce que c’est cher. »
Des propos sans arrière-pensée, presque rafraîchissants, dans une campagne plombée par des thèmes anxiogènes. Bien mal lui en a pris, les rageux des réseaux sociaux et des représentants de parti politique lui sont tombés sur le paletot, lui reprochant une vision identitaire de la gastronomie française, de promouvoir l’alcoolisme et une consommation de viande jugée incompatible avec la lutte contre le réchauffement climatique. Quel niveau !
Chez 180°C, nous prônons depuis toujours l’hédonisme, la réappropriation de notre alimentation, le respect de l’environnement et la vigilance par rapport au système agro-industriel. Nous continuons avec ce 27e numéro que nous consacrons en partie à un symbole de la gastronomie française, les fromages au lait cru. Est-ce qu’à travers ce thème nous faisons des appels du pied à la droite identitaire – reproche tweeté à Fabien Roussel à la suite de ses propos ? Évidemment non. Car nous ne faisons pas de politique, mais nous aimerions que les politiques s’approprient ce que nous prônons.
Philippe Toinard, rédacteur chef de 180°C